L'homme qui tua Don Quichotte France, Portugal, Espagne, Royaume-Uni 2018 – 132min.
Critique du film
La fin d'une malédiction
Toby, un jeune réalisateur de pub cynique et désabusé, se retrouve pris au piège des folles illusions d'un vieux cordonnier espagnol convaincu d'être Don Quichotte.
Il en aura fallu du temps pour que L'homme qui tua Don Quichotte voit enfin le jour. Plus de vingt-cinq ans précisément, de la conception du film à la clôture du Festival de Cannes 2018, en passant par le tournage avorté de 2000 avec Jean Rochefort et Johnny Depp, et les multiples tentatives de relancer le long-métrage pendant quinze ans. L'attente était donc grande et la crainte de voir une oeuvre pas à la hauteur immense.
A l'image des nombreuses galères du film, L'homme qui tua Don Quichotte est une oeuvre profondément malade. Premièrement, la narration du film est très bancal, l'installation des flashbacks manque de fluidité, le montage paraît ainsi trop brut et peut perdre un peu le spectateur. Deuxièmement, alors qu'il a été conçu il y a plus de vingt ans, le long-métrage de Terry Gilliam dispose d'un humour passé de mode. Une absence de modernité qui s'en ressent aussi sur les décors souvent vieillots. Enfin et plus dérangeant, le traitement des personnages féminins est assez gênant, notamment celui d'Olga Kurylenko, d'autant plus à l'heure des Times Up et #MeToo.
L'homme qui tua Don Quichotte est donc loin d'être sans défaut. Cependant, le film du réalisateur de Brazil présente une palette d'atouts ravageurs. Son superbe duo d'acteur, Adam Driver et Jonathan Pryce, en est la pierre angulaire. Le climax final du long-métrage embarque les spectateurs dans un monde fantasque entre rêve et réalité d'une ambition remarquable. Mais surtout, L'homme qui tua Don Quichotte est des plus touchants pour sa mise en abyme. Nul doute que Terry Gilliam parle de lui à travers ses personnages et leurs péripéties. Ainsi, la mise en parallèle de son propre rêve avec celui de ses protagonistes rend sa dernière oeuvre des plus généreuses, fougueuses et émouvantes.
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Commentaires
“Les moulins de son cœur”
Désabusé, Tobi a troqué depuis longtemps ses rêves de cinéma pour des publicités sans âme et lucratives. Occupé à un tournage en Espagne, il retrouve par hasard le héros de son premier film intitulé L’homme qui tua Don Quichotte. Ce cordonnier vieillissant croit toujours dur comme fer qu’il est le chevalier à la triste figure.
Voici donc une œuvre miraculée et souvent qualifiée de maudite, conclusion de 25 années de tentatives infructueuses, drames en tous genres et situations ubuesques. Terry Gilliam touche enfin à son inaccessible. Force est de constater que le rocambolesque de cette aventure passionne plus que le charivari qu’il parvient à nous offrir enfin. Image floue, décors datés, baisses de rythme, réécritures approximatives. Malgré ces faiblesses, le récit à tiroirs tient étonnamment et se laisse découvrir sans déplaisir. Dans son rêve obsessionnel, impossible quête propre à l’homme de la Mancha, Terry Gilliam a tué Don Quichotte… et pris sa place.
6.5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 6 ans
Que dire de ce film ? Un conseil, allez consulter Wikipédia pour connaître l'intrigue de Don Quichotte et de Sancho Panza. C'est utile pour comprendre le film Terry Gilliam. (G-20.05.18)
Sacrés moulins
Dix ans que Toby, jeune réalisateur, a entrepris le tournage d'un film sur Don Quichotte: dix années où ennuis techniques et imbroglios se sont accumulés. Dix années que le cordonnier incarnant Don Quichotte se prend réellement pour le chevalier et considère Toby comme son Sancho Pança. Lorsqu'un producteur russe est intéressé par reprendre le projet à l'abandon, Toby se dit qu'il pourra peut-être terminer son œuvre.
Presque 20 ans auront été nécessaires à l'aboutissement proposé. 20 années de combat contre des moulins sous forme de labeurs techniques et d'imbroglios (...).
Non, je ne suis pas fou et c'est exactement ce que Gilliam nous révèle: il mélange le récit tout sauf fictif de ce que fut le tournage moult fois évoqué tout en ramenant à notre bon souvenir la mémoire des Monty Python ainsi recomposés sous nos yeux.
Il est effectivement impératif de connaître la loufoquerie jubilatoire du quatuor pour apprécier cette version décalée de Don Quichotte mélangée à Frankenstein avec une once de schizophrénie. Si la vie de Brian et sacré Graal font partie de votre liste de films forts, vous allez retrouver cet univers à mon sens unique.
Il y a également une notion d'hommage très forte: que ce soient les deux stars disparues pendant le tournage (Rochefort et Hurt) ou la présence de Jonathan Pryce plus de 30 ans après Brazil. Et une émotion absolue se dégage entre deux éclats de rire, celle du passé glorieux mis à mal et théâtre d'un combat mené à bien, notamment par la géniale prestation d'Adam Driver. Mention très bien également à la musique de Rorque.
A recommander vivement à tous les amoureux des Monty… Voir plus
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