Leave No Trace Etats-Unis 2018 – 108min.

Critique du film

Promenons-nous dans les bois

Clélia Godel
Critique du film: Clélia Godel

Huit ans après son Winter’s Bone nommé plusieurs fois aux Oscars, la réalisatrice américaine Debra Granik a choisi d’adapter le roman L’abandon de Peter Rock qui s’inspire de l’histoire vraie de ce père et de sa fille qui ont vécu pendant quatre ans dans la réserve naturelle de la banlieue de Portland. Un drame intimiste et sincère.

Tom a quinze ans et vit clandestinement dans une forêt près de Portland (Oregon) avec son père Will, un ancien vétéran d’Irak. Bien que leur campement soit assez rudimentaire, ce mode de vie leur convient parfaitement. Mais un jour, le père et sa fille sont repérés et forcés de quitter leur refuge. On leur offre alors un toit et un travail. Tandis que Will tente de s’adapter du mieux qu’il peut, Tom semble apprécier cette nouvelle vie. Mais la jeune fille sera amenée à prendre des décisions difficiles qui mettront en péril la relation qu’elle entretient avec son père.

La thématique du choix de vie à l’écart de la société avait récemment été évoquée dans le très réussi Captain Fantastic de Matt Ross sorti en 2016. La grande tribu laisse ici place à une relation fusionnelle entre un père et sa fille qui survivent dans les bois. Si leurs méthodes peuvent sembler archaïques au premier regard, on s’aperçoit rapidement que les protagonistes se plaisent dans cet environnement (comme c’était le cas dans Captain Fantastic). Ils ont appris à différencier le besoin de l’envie, notamment quand ils se rendent quelquefois en ville pour acheter ce qu’ils n’arrivent pas à faire pousser.

Leave No Trace ne développe toutefois pas les raisons primordiales qui ont poussé ce père à opter pour ce mode de vie. S’exprimant très peu, celui-ci devient presque énervant lorsqu’il refuse obstinément de rester dans un endroit sûr pour le bien-être de sa fille. Ceci force Ben Foster à donner de la profondeur à sa performance qui atteint alors un niveau d’une rare intensité, à l’image de celle de la jeune Thomasin McKenzie. D’un naturel saisissant, l’actrice néo-zélandaise crève l’écran d’un bout à l’autre. Même si elle est parfois peu démonstrative, la tendresse qui découle de la relation père-fille constitue véritablement l’atout majeur du film.

Extrêmement sobre et peu bavard, Leave No Trace se contente de suivre ses personnages dans les sublimes décors forestiers de l’Oregon, baignés d’une belle lumière naturelle. L’histoire ayant néanmoins tendance à se répéter, le manque de scènes d’action diminue par conséquent l’intensité du récit qui aurait mérité d’être raccourci. En revanche, la scène finale, qui parait inévitable, est bouleversante et vaut le coup d’œil à elle seule.

En bref ! En optant pour la sobriété, Debra Granik a choisi de se concentrer en primeur sur cette forte relation entre ce père et sa fille confrontés à la norme sociale et luttant pour leur indépendance. Bien que débordant de sincérité et visuellement très soigné, il manque quelque chose à Leave No Trace pour le rendre totalement envoûtant.

26.03.2024

3.5

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Commentaires

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Archibald

il y a 6 ans

Intense, jamais simpliste.


CineFiliK

il y a 6 ans

« L’appel de la forêt »

La jeune Tom vit seule en forêt avec son père. Une existence pure, mais clandestine, qui est appelée à disparaître.

Traumatisé par ses années de guerre, Will a fui la ville, entraînant sa fille avec lui. Ces robinsons ont choisi leur île et la vie sauvage. Biches aux aguets, ils tentent de préserver leur unité, fuyant les chasseurs des services sociaux, sans laisser de traces.

« Où est ta maison ? demande-t-on à Tom. ­– Auprès de mon père, répond-elle sans hésiter. » Mais la « civilisation » a de quoi offrir la chaleur et l’eau d’un foyer, des études ou la sécurité d’un emploi, ainsi que des échanges humains. De quoi semer le doute et séduire l’adolescente, disposée à s’adapter. Reste à en convaincre son père.

Huit ans après Winter’s bone, qui révéla Jennifer Lawrence, Debra Granik s’arrête à nouveau dans l’Amérique profonde, délaissée, oubliée. Cependant, son regard sur ces communautés en marge paraît plus doux, apaisé. Au sein d’une nature verte et protectrice, c’est l’amour et la solidarité qui prédominent le plus souvent, même quand le froid devient mortel. A l’opposé, la société environnante n’apparaît pas si menaçante, se montrant bienveillante à l’égard des fugitifs. Ceux-ci sont idéalement incarnés par Ben Chaplin et Thomasin McKenzie, future étoile.

7/10Voir plus

Dernière modification il y a 6 ans


vincenzobino

il y a 6 ans

La prisonnière du désert
Tom, jeune fille, vit avec son père Will... dans un parc naturel près de Cleveland, et donc de façon irrégulière. Comment cet homme en est-il arrivé à vouloir éviter tout contact avec le monde réel et contraindre sa fille à vivre de la sorte? Lorsqu'ils sont expulsés de leur abri de fortune, une seule pensée le hante: y revenir.
Annoncé comme une bulle émotionnelle magnifique, leave no trace nous suggérait une sorte de réflexion sur la vie d'ermite et ses conséquences sur l'entourage. On en est assez loin au final mais un autre point prend le dessus.
Pendant la première demi-heure, plusieurs pensées nous viennent en tête, et aucune positive. Et l'on se dit que Tom est une sorte d'otage d'un type de vie: jamais scolarisée et donc connu de petits amis, c'est le syndrome de son père qui semble la hanter.
Pourtant, une fois que l'on retrouve la civilisation, la petite abeille en elle semble désireuse de gagner une sorte d'indépendance. Et ce, quitte à se séparer du bourdon paternel.
Une symbiose de plénitude assez incroyable, un soudain bruit assourdissant: le travail sonore est absolument remarquable, de même que le duo, particulièrement l'inconnue Thomassin McKenzie époustouflante et Ben Foster toujours remarquable.
Sur le moment, une ombre scénaristique au tableau pourrait nous laisser sur notre faim, mais en fin de compte, c'est bien ce statut de Tom et son issue morale que nous retenons. Et qui impressionne au final.
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