Les chatouilles France 2018 – 103min.

Critique du film

Dense colère

Lino Cassinat
Critique du film: Lino Cassinat

Les Chatouilles est ce qu’on pourrait appeler le projet d’une vie. Le film est en effet l’adaptation d’un seul en scène théâtral à caractère autobiographique, écrit et interprété par Andrea Bescond et mis en scène par Eric Metayer, qui se retrouvent ici co-scénaristes et co-réalisateurs, ainsi qu’actrice principale pour Andrea Bescond (Eric Metayer fait tout de même une petite apparition). Or, ce récit autobiographique ne traite pas de n’importe quel sujet, puisqu’il est ici question d’Odette, une danseuse professionnelle violée plusieurs fois dans enfance par un pédophile.

Odette, danseuse professionnelle, avance dans la vie en se battant contre un lourd passé : elle a été agressée sexuellement plusieurs fois dans son enfance par le meilleur ami de ses parents. Construit autour d’allers-retours dans le temps et dans les souvenirs d’Odette, Les Chatouilles surprend par son dispositif autant que par son énergie. Le parti pris ici a été de livrer un film à l’image de son personnage principal, électrique et perpétuellement en mouvement. Nombreux sont les changements de séquences qui s’opèrent par une rupture de ton sèche ou par une explosion du quatrième mur, pour coller au plus près des émotions d’Odette, elle même sans fard, fonceuse et imprévisible.

Un dispositif inattendu donc, qui est à la fois la force et le talon d’Achille du film. Les Chatouilles a en effet parfois du mal à se plier au rythme imposé par la mise en scène. Certains échanges entre les acteurs perdent en naturel, trop emportés par un film qui se veut impétueux, tandis que certaines ruptures, un peu trop appuyées, font plus l’effet d’un cheveu sur la soupe que d’un décalage. C’est particulièrement manifeste en début de film, où on nous demande de faire connaissance avec deux personnages radicalement différents, que sont Odette adulte, une vraie pile électrique, et Odette enfant, extrêmement réservée et fragile. Or, le ton du film à ce moment là paraît comme un obstacle entre le spectateur et la fragilité de cette enfant. C’est d’ailleurs cette partie du film qui s’encombre de quelques éléments humoristiques assez gadgets en plus d’être assez peu réussis, comme cette vociférante prof de danse.

Cela étant, c’est également ce dispositif de mise en scène qui fait qu’il est quasiment impossible de ne pas se sentir lié intimement à Odette et à sa perpétuelle fuite en avant. Les Chatouilles colle tellement à son flot de conscience et à ses états émotionnels que ses peurs, ses angoisses mais également sa rage se transmettent instantanément au spectateur. On ne peut qu’être reconnaissant envers le duo Bescond-Metayer d’avoir su s’emparer d’un sujet aussi lourd par son angle horrifique plutôt que d’avoir voulu verser dans le grand drame tire-larme.

Car c’est bien d’une horreur dont il s’agit et non d’une tragédie. Odette n’est pas victime d’un concept abstrait, elle est une survivante d’actes d'une violence extrêmes, et, plutôt que de ouater cette violence par les atours du mélodrame, Andrea Bescond et Eric Metayer choisissent plutôt, et c’est tout à leur honneur, de courageusement affronter la brisure comme le briseur. À ce titre, on est tout autant emporté par Odette et sa formidable énergie du désespoir qu’absolument tétanisé par chacun de ses souvenirs d’enfance, tous marqués par une forme de sadisme. Chaque apparition, directe ou indirecte, chaque souffle chaque geste, chaque mention de Pierre Deladonchamps provoque un profond sentiment de sidération mêlé d’absolu dégoût, rendant chacune de ces scènes brillantes et pourtant à la limite du regardable. C’est le plus grand tour de force du film, et il fallait le réussir : il indigne, car il est obscène.

En bref !

On a beau lui préférer Mysterious Skin, elle a beau être inégale, Les Chatouilles reste une épreuve dont on sort sonné.



16.09.2021

3

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 5 ans

« La poupée qui fait non »

Odette n’est qu’une petite fille quand Gilbert, l’ami de la famille, l’emmène jouer à la poupée dans la salle-de-bains. Ces terribles « chatouilles » dureront des années. Adulte, c’est par la danse qu’elle s’efforce d’oublier et de se reconstruire.

Elle s’appelle Odette, comme le cygne blanc de Tchaïkovski, princesse métamorphe destinée à disparaître. Un message final rappelle qu’1 enfant sur 5 est victime d’abus sexuels. Des chiffres effrayants. Andréa Bescond raconte son histoire afin d’exorciser ses traumas intimes. La douleur d’une enfance v(i)olée. La démolition. La perversité glaçante de l’ogre. L’aveuglement extrême de ses parents. Le déni insupportable de la mère. L’espoir fragile de s’en sortir par la parole et l’amour.

Le sujet et la sincérité de la réalisatrice-actrice sont inattaquables. Mais son concept croisant souvenirs, fantasmes et séances thérapeutiques alourdit l’ensemble. Maladroits, ses élans plus légers, voire comiques, s’écrasent au sol, trop souvent ratés. Brutales et colériques, les scènes de danse ne convainquent pas non plus. L’émotion pointe cependant le temps d’un pardon paternel et lors de cette réconciliation finale entre une fillette innocente et la femme qu’elle est devenue.

6/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


vincenzobino

il y a 6 ans

4.5: Se souvenir des (belles) choses
Odette fait partie d'une troupe de danseurs et participe à de nombreuses comédies musicales. Pourtant son enfance n'eut rien d'une comédie : le meilleur ami de son père, Gilbert, lui prodigua quelques chatouilles, d'où un traumatisme amplifié par un silence intérieur. Mais ce silence pourrait être rompu et ses parents, dont une mère la méprisant, tomber des nues.
La voici donc cette attendue adaptation de la pièce éponyme. N'en ayant rien lu au préalable, une question d'ensemble se pose: quelle est la véritable part autobiographique vis-a-vis de Andréa et quel fut le rôle de Manu?
Le but du film n'est nullement d'y répondre mais nous propose une bouleversante consultation psychiatrique sous forme de bilan de vie. Cette séance nous marque au plus profond :
-du dégoût vis-a-vis de Gilbert, tyran de la pire espèce dont les actes nullement montrés ou auditifs marquent davantage
-de la colère vis-a-vis de cette mère indigeste et égoïste qui mériterait une sacrée correction.
-une compassion absolue envers Odette, même si elle n'est pas parfaite, et un regard bouleversant illustré notamment par cette ultime chorégraphie de toute beauté et cette rencontre finale fruit du bilan de vie.
Une performance d'ensemble prodigieuse, particulièrement Karin Viard et Gringe. Un montage magnifique où le réel et le rêve se côtoient, souvent sous forme de souvenirs indélébiles chorégraphiés. Une véritable leçon sans pathos à recommander vivement...Voir plus

Dernière modification il y a 6 ans


Symasa

il y a 6 ans

Film vu en avant-première, il parle d'un sujet grave et sérieux. Très bons acteurs et vraiment bien joué. On devine déjà l'histoire en voyant la bande annonce.
J'ai été très émue


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