Une affaire de famille Japon 2018 – 121min.

Critique du film

Victoire de famille

Lino Cassinat
Critique du film: Lino Cassinat

Dans une ville japonaise, une petite tribu composite vit de débrouilles et de vols à l’étalage. L’équilibre de cette communauté est soudain bouleversé par l’arrivée de Yuri, une fillette maltraitée par ses parents qui préfère se réfugier dans cette famille de fortune, pauvre mais aimante.

Quiconque est un minimum familier du travail de Kore-Eda se retrouvera ici en terrain partiellement connu, le réalisateur rappelant ici à nouveau ses thèmes de prédilection, notamment celui de la famille. Le spectateur habitué ne sera d’ailleurs pas non plus dépaysé par le style déployé ici, du Kore-eda 100% pur jus : refusant l’image péremptoire et économisant les gros plans, le découpage met l’accent sur la rigueur de ses cadres aux compositions inspirées et signifiantes. Un excellent travail photographique, parachevé par la lumière et les couleurs qui amènent de belles et douces textures, capable de transformer l’étroit cabanon des Shibata, coincé dans une forêt urbaine de béton, en merveilleuse caverne d’Ali Baba.

Si la photo casse des briques, si l’histoire est belle et attrayante et si les acteurs (particulièrement les enfants, que Kore-Eda a la politesse infinie de ne jamais infantiliser) déploient des trésors de talent, Une Affaire de Famille intéresse sincèrement sans véritablement enthousiasmer, la faute à un démarrage assez programmatique pour cette histoire de famille « reconstituée » vivant de débrouilles et de vols à l’étalage... mais dans un premier temps seulement.

Car une fois la plaisante mais attendue première partie terminée, le film décolle véritablement dans sa seconde moitié. À la faveur d’un changement de saison, le spectateur se met à nager dans la profusion de bonheur et d’amour partagé par cette vraie-fausse famille. Une seconde moitié qui emmène au plus haut, avant de brutalement descendre dans une déchirante dernière demi-heure; l’épreuve finale pour le chaleureux clan de sauvages, planqué à la marge et désormais confronté aux normes froides et à la morgue technocratique.

Une Affaire de Famille devient alors terrible et même assez subversif. Tout en conservant sa tendresse, il projette violemment toute sa vérité et ses émotions à la face d’un spectateur hébété qui ne peut, à l’aune de cette famille en or, qu’encaisser le coup sans rester impassible. Sans effusion ni angélisme, Hirokazu Kore-Eda renoue pourtant avec de grandes émotions, transporte son public vers les plus belles hauteurs avec délicatesse, sobriété et élégance. Impressionnant de classe !



En bref !

Une première moitié plaisante mais un peu trop programmatique, très largement compensée par une seconde partie ébahissante. Également une grosse leçon de composition de cadres et de direction d’acteurs. On aurait préféré Leto, mais Cate Blanchett nous a tout de même offert une belle Palme d’Or.

20.05.2024

4

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Commentaires

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TOSCANE

il y a 5 ans

Un chef d’œuvre. Un film tendre et original, une famille japonaise, celle que les touristes très attirés par le Japon, ne rencontreront probablement jamais. Hirokazu Kore-eda est un orfèvre des sentiments délicats et sculpte comme un bijou les regards, les bruits, les respirations. Cette famille singulière en apparence, un peu crasseuse, hors la loi, amorale, nous surprend. Même si l’on découvre que l’intérêt unit cette famille, on est ému par la tendresse qui les soude. Un film vibrant ou encore une fois, dans les films de ce cinéaste, les enfants nous bouleversent.Voir plus


CineFiliK

il y a 5 ans

« Ce qui nous lie »

Les Shibata logent à 6 dans un appartement japonais plus que modeste. Quand ils remarquent une petite voisine battue par ses parents, ils l’emmènent en douce et l’accueillent dans leur foyer.

On ne choisit pas sa famille. Mais certaines circonstances encouragent à le faire, resserrant et solidifiant les liens au sein de ce cocon recomposé. A priori, ils n’ont rien à offrir, ces pauvres diables qui volent soupes de nouilles et bonbons pour se nourrir. Un peu sales et paresseux, ils n’hésitent guère à flirter avec les limites du droit et de la morale. « Ce n’est pas un enlèvement, puisqu’on ne demande pas de rançon ». Leur générosité transpire de tendresse et naïveté. Ce qui les lie n’est pas le sang, mais bien le cœur.

Kore-Eda questionne à nouveau le sens donné à la famille : suffit-il de mettre au monde un enfant pour être une maman ? Puis-je appeler papa l’homme qui m’a recueilli ? La société, l’Etat sont-ils aptes à reconnaître ces véritables valeurs ? Des réponses équivoques et des thématiques abordées dans ses précédentes réussites comme Nobody knows et Tel père, tel fils. Sans détours, mais avec une délicatesse infinie, sa caméra interroge, témoigne et crée des bulles d’émotion qui éclatent face à la cruauté du monde. Un sac en plastique devient ballon de foot et l’on se réunit allégrement pour admirer des feux d’artifice que l’on ne peut qu’entendre au loin. Chez le Japonais, la misère n’empêche jamais le rêve.

8/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


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