Le poirier sauvage Bulgarie, France, Allemagne, Macédonie, Suède, Turquie 2018 – 188min.
Critique du film
Trois heures pour convaincre !
En lice pour la Palme d’or du dernier Festival de Cannes, la nouvelle réalisation du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan est une véritable joute verbale de plus de trois heures. On y suit le retour de Sinan dans son village natal, à la recherche de fonds pour publier son premier livre. Les longues conversations que le jeune homme partagera avec sa famille et avec plusieurs villageois remettront en question ses envies et ses espoirs...
Tout comme "le poirier sauvage" (traduction du titre du film) de son village, Sinan se sent parfois isolé et en décalage avec le monde qui l’entoure. S’il vient de terminer ses études pour devenir enseignant, il se retrouve désormais confronté aux difficultés du marché du travail; les postes disponibles étant principalement situés dans les zones plus dangereuses de l’est de la Turquie. Il rêve de pouvoir vivre de sa plume et a déjà écrit une première œuvre, mais il peine à récolter les fonds nécessaires pour la publication. Il fait alors la démarche de rencontrer des personnes pouvant lui venir en aide, comme le maire du village, un mécène entrepreneur ou encore un autre écrivain.
Les moments qu’il partage avec ces protagonistes donnent lieu à des entretiens fascinants et d’une ampleur quasi philosophique, mais ils sont extrêmement longs (certains dépassent les vingt minutes). Résultat : ni la fine écriture de ces scènes dialoguées, ni la variété de leurs sujets ne parviennent à empêcher le spectateur de décrocher à plusieurs reprises. Même si elle met parfaitement en valeur la campagne turque, la mise en scène reste trop statique pour arriver à donner du rythme au film qui souffre déjà de sa durée de trois heures. Il faut en revanche saluer la performance des acteurs (Dogu Demirkol, Murat Cemcir, Hazar Ergüçlü, Bennu Yildirimlar) qui font tous preuve d’un grand naturel, tout en ne diminuant jamais l’intensité de leur jeu.
Si Nuri Bilge Ceylan, qui signe aussi le scénario, se laisse quelquefois emporter par ses envolées lyriques, il met un point d’orgue à soigner la relation qu’entretient Sinan avec sa famille et en particulier celle qu’il partage avec son père (Murat Cemcir). Il est le personnage le plus développé du film et celui qu’on voit le plus souvent après celui de Sinan. Enseignant et couvert de dettes à cause de son addiction aux jeux d’argent, le père est parfois un vrai fardeau pour son fils qui cherche pourtant à le raisonner. Les rapports compliqués entre les deux hommes n’évolueront pas toujours vers le chemin que l’on croit, mais se termineront malgré tout par une très belle dernière scène. Moins détaillée, la relation entre Sinan et sa mère (Bennu Yildirimlar) bénéficie cependant d’une scène très émouvante dans l’ultime partie du film, qui vaut le détour à elle seule.
En bref ! Loin d’être facile d’accès, The Wild Pear Tree trouve sa force dans la profondeur de ses dialogues et dans les thématiques qu’il aborde, en plus du portrait authentique qu’il dresse d’un jeune écrivain turc. Les trois heures risquent en revanche d’en décourager plus d’un.
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