Une saison en France France 2017 – 97min.

Critique du film

Dispar(être)

Lino Cassinat
Critique du film: Lino Cassinat

Abbas et ses deux enfants ont fui leur pays et attendent la réponse à leur demande de droit d’asile. Quand celle-ci est refusée, ils s’enfoncent lentement mais sûrement vers le néant.

Entre son ouverture et sa fermeture (les deux meilleures séquences du film), entre le douloureux souvenir du passé heureux autour d’une berceuse et le futur qui se résume à une disparition dans le néant, rappelant avec brio l’horreur existentielle de certains films néo-réalistes italiens, Une Saison en France réussit à capter la lente et corrosive dissolution des êtres. Comme son titre l’indique, Une Saison en France est une transition d’une famille venue d’ailleurs et qui repart ailleurs, une transition de l’être vers le non-être.

Mahamat Saleh Haroun époustoufle tant il réussit à mettre vigoureusement en lumière la véritable tragédie qui se joue autour de ces personnes, eux qui perdent plus précieux encore que leurs biens matériels, leurs proches ou leurs statuts sociaux : leur essence. Être, c’est être perçu, et face à la mécanique implacable d’une administration qui s’efforce d’effacer l’existence de ces gens, les protagonistes n’ont d’autre choix que de s’évaporer, dans un tourbillon de feu pour exister brillamment aux yeux de tous une dernière fois (« better to burn out than to fade away » disait Neil Young dans Hey Hey, My My, pris ici au mot), ou alors, en partant dans le vide.

C’est en faisant de cette transition la mécanique même de la mise en scène d’Une Saison en France que Mahamat Saleh Haroun parvient à mettre des images sur une violence aussi inouïe qu’abstraite. Le film est peuplé et habité par des fantômes en devenir, errant devant une caméra qui, derrière son attitude réaliste impériale, donne le sentiment qu’elle a du mal à percevoir ses personnages, et compenserait ce manque de matérialité par son remarquable travail sonore.

Le tout donne un ensemble ténu et fragile, soumis à un récit dont le moindre frémissement, la moindre articulation fait craindre qu’ils ne viennent couper l’amarre qui ancre Abbas et sa famille dans le monde des vivants et ne les projettent dans un trou noir. Pour autant, Une Saison en France n’est pas sans certains déséquilibres, et on s’étonne par exemple de le voir recourir parfois à d’énormes sabots didactiques alors qu’il s’acharne à construire une tension feutrée dans la longueur. De même, si Eriq Ebouanney est en état de grâce, il faut aussi assimiler les approximations des acteurs non professionnels du film.

En bref !

Malgré quelques choix curieux aux entournures, Une Saison en France est un film magistral.

22.03.2024

4

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