Ága Bulgarie, France, Allemagne 2018 – 96min.
Critique du film
Tribulations contemplatives
Nanouk (Mikhail Aprosimov) et Sedna (Feodosia Ivanova) sont des rescapés de la culture Iakoutes. Ils sont voués à disparaître, à s’effacer face à la modernité de notre monde, qui leur est totalement étranger. La fin d’une ère, celle de leurs ancêtres et la leur. Un passage de témoin angoissant pour le couple, avec pour décor la Sibérie et ses immenses étendues immaculées et silencieuses, où le simple impact d’un flocon sur le sol résonne. Le calme domine, le froid gèle le moindre bruit. Nanouk et Sedna s’en vont petit à petit…
Milko Lazarov, réalisateur bulgare, évoque les Iakoutes par le biais d’une fiction aux allures de documentaire. Un portrait néoréaliste qui prend forme dans une yourte, au milieu du froid glacial sibérien, au plus proche d’un mode de vie très rustique. La pêche, la chasse et tout le tralala sont monnaie courante pour Nanouk et Sedna. Des coutumes qui se collisionnent avec un monde moderne toujours plus pressant et présent. Une frontière que Lazarov effleure habilement, à travers un regard affectueux et alarmiste, et une science du cadrage frôlant le sublime.
Outre la beauté plastique et le regard humble que Lazarov pose sur ce couple, Ága se fige et nous aspire vers l’ennui. À force d’user d’un cinéma contemplatif, Lazarov en oublie le véritable sujet, la sève même de l’histoire. Ága n’est-il pas une simple démonstration d’esthétisme ? On ose se poser la question. Durant près de 80 minutes, il est plus question de science du cadre, avant que Lazarov ne se lance dans un ultime baroud d’honneur timide, avec pour point culminant un voyage « au bout du monde », pour déployer le stock d’émotions si longuement maintenu sous la glace. Malheureusement, Ága souffre de cette timidité dans le traitement et n’aborde jamais son sujet de face, préférant s’emmurer dans une quête parentale lancinante.
En bref !
Une maîtrise évidente du cadre, une capture délicieuse des paysages sibériens et un peuple qui se meurt à petit feu. Une poésie s’en dégage, dans un premier temps, avant de perdre irrémédiablement en consistance. Milko Lazarov s’égare dans sa maîtrise technique et oublie ses personnages dans le désert glacé. Ága est une presque mort des cultures et des pratiques ancestrales, sans vraiment puiser totalement dedans.
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