Fast & Furious 9 Etats-Unis 2019 – 143min.
Critique du film
Toretto, libre dans sa tête
Dom Toretto s’était retranché loin du bitume, mais le voilà en passe de reprendre du service pour déjouer un complot mondial mené par un fou furieux implacable, et redoutable pilote, qui n’est autre que son petit frangin.
Dom (Vin Diesel) menait une existence paisible, entre carburateurs et clé de douze, aux côtés de Letty (Michelle Rodriguez) et de leur fils, le petit Brian, jusqu’au jour ou la bande débarque avec un message de détresse reçu de la part de Mr Nobody (Kurt Russell). Ils apprennent le crash de son avion aux confins de l’Amérique centrale et la capture de Cipher (Charlize Theron). Dom se laisse convaincre, dès lors la troupe chauffe les moteurs et se met en route pour retrouver Mr Nobody. Et bientôt attaqués par une horde sauvage, ils découvrent une étonnante boite noire, un appareil nommé Ares, capable de hacker n’importe quelle arme. En chemin, l’équipe croisera le petit frère Toretto, Jakob (John Cena) qui semble étrangement s’intéresser au cyberterrorisme.
Franchise immaculée, digne représentante d’un genre dont elle est l’unique figure de proue; alors qu’un numéro 10 est déjà dans les tuyaux, le serpent ne se mordrait-il pas la queue? L’année de ses 20 ans, «Fast & Furious» s’est offert un sacre promotionnel jusque sur les hauteurs vertigineuses du Burj Khalifa afin d’annoncer l’exubérance de ce nouveau métrage. Après «Hobbs & Shaw», la franchise retourne du côté de chez Swann pour régler quelques différents familiaux. Un duel de frères à la Caïn et Abel au cœur de l’arène Fast réalisé par un cinéaste qui connait bien les lieux. En effet, Justin Lin distribue les cartes pour la quatrième fois de l’histoire de la franchise.
Une sortie, elle aussi, prise dans la Covid-19, aux coude-à-coude avec le mastodonte «No Time to Die», «Fast & Furious 9» est de ces films qui n’en finissaient plus d’être repoussés. Un titre clinique et programmatique, la comptabilité reprend à 9 et la franchise Fast nous emmène au rosaire des Toretto. En ouverture, une séquence sous haute tension en 1989 alors que le bolide du père Toretto supplante les lois de la physique et de la course automobile avant de s’envoler dans le décor. Le moteur en berne et l’âme en peine, l’ange tutélaire s’est envolé, le père s’est effondré, et les chiots Toretto de hurler vengeance.
Aujourd’hui les chiots ont bien grandi, et «Fast & Furious 9» leur permettra d’enterrer le géniteur, enfin. Un deuil inacceptable, fraternité, famille de cœur et de sang, les thématiques présentées dans ce neuvième volet sont bel et bien chères à la saga et offrent même une sous-lecture méta du drame qui s’est abattu sur le clan Fast en novembre 2013. La franchise prolonge son héritage avec un premier degré assumé. Vin Diesel n’en finit plus de descendre dans les basses (en VO) pour baragouiner des petites prophéties devant un fond entartré de CGI avant de sauver le monde armé d’un débardeur lavé à la javel; il y a un style Fast, chaque film est unique, pourtant ils se ressemblent tous et la boite à idées commencent à se tarir.
La franchise aurait pu souffler, or les Torreto ont deux trois choses à régler. Le métrage déballe une réalisation ingénieuse, mais terriblement épuisante, ou bouillonnante, à vous de choisir, et qui s’est dégottée un nouveau gadget en la personne d’un aimant géant pour assurer le «grand spectacle». Une attraction scénaristique rongée jusqu’à la moelle, tellement épuisée qu’elle en devient inconsistante, à l’image de John Cena et de sa partition machiavélique en deux moues mineures, deux de moins que Dom, qui nous offre l'option poings serrés.
Seule Charlize Theron incarne un antagoniste crédible, et les fidèles Michelle Rodriguez, Tyrese Gibson, Ludacris et Nathalie Emmanuel (et on s’arrête là pour ne pas spoiler les retours de certaines têtes) assurent les bonnes vannes et l’effusion de répliques. Deux ans après la confrontation avec Cipher, ce nouvel épisode reprend avec une volonté évidente de nous mettre de la tarte plein les yeux, et de nous faire «voyager», «rêver», «vibrer», «aimer», bref les nouveaux pontifes du cinéma post-corona.
Sorte d’outlaw bien vilain et ultra sponsorisé (cf. la myriade de scènes ou les chef.fes de produit de chez Bose, Tom Ford, Jeep ou encore Corona (la bière, oui oui!) piquent la chaise du réalisateur), les chiffres outre-Atlantique montrent bien que la franchise ne répond qu’aux règles qu’elles imposent elle-même. Alors en attendant l’iceberg, le navire flotte grandes voiles dehors et nargue les langues de vipères qui viendraient ralentir sa course. Fast & Furious aboie, et la critique passe
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