Les enfants d'Isadora France, Corée du Sud 2019 – 84min.
Critique du film
Les enfants d'Isadora
Jeune prodige du cinéma d’auteur français, Damien Manivel revient avec un quatrième film nommé Les Enfants d’Isadora, déjà lauréat d’un prestigieux prix à Locarno. Il faut dire que sa forme très directe et intime, à rebours de l’époque, a de quoi attirer l’attention, et que le réalisateur arrive à un paroxysme de perfection formelle... quitte à tomber dans la performance.
«La Mère» est un solo de danse mythique composé par la légendaire danseuse Isadora Duncan au début du 20è siècle. De nos jours, quatre femmes réinvestissent cette danse avec leurs corps, mais aussi leurs vécus. Une étudiante en danse, une prof de danse et son élève trisomique, une dame noire au soir de sa vie: autant de corps différents et de réceptacles unis par une seule et même œuvre fantomatique.
C’est un poncif critique, mais qui révèle cruellement sa vérité à travers Les Enfants d’Isadora: la beauté formelle et la richesse conceptuelle sont des atouts indéniables pour accoucher d’une belle œuvre, mais ne suffisent jamais à elles seules si la mise en scène ne suit pas, et c’est malheureusement ce qui arrive au sein de celle-ci, dont la pauvreté du dispositif annule instantanément les qualités indéniables précédentes. Les Enfants d’Isadora, à force d’épure, évacue lui-même tout ce qui fait son charme initial, et c’est avec une immense circonspection que le spectateur regarde la première scène de danse à travers l’œil d’une caméra impavide et désespérément distante et statique, comme coupée de son sujet, alors qu’Agathe Bonitzer y déploie un trésor de sensibilité.
Il en sera de même pour toutes les autres grandes scènes de danse, intégralement sabotées par une mise en scène opiniâtrement à contre-emploi: elle donne des corps à voir, mais ne les regarde pas de près, ou si peu. L’osmose n’a pas lieu, et Les Enfants d’Isadora endort sans hypnotiser dans le meilleur des cas, et dans le pire, il transforme ses paris en échecs cuisants: le scénario se veut réduit à l’essentiel, il est en réalité rachitique et compassé - et paradoxalement, franchement lourdingue au détour de quelques dialogues. La progression est axée autour d'une variation au sein du même, mais elle fait un surplace ennuyeux et répète un même au sein de molles variations. Le découpage se voulait minimaliste et délicat, il est amorphe et informe, malgré une lumière souvent magnifique et l’énergie sourde des comédiennes.
Les Enfants d’Isadora voulait soulever des montagnes d’émotions sans excès de moyens, il émeut à peine avec quasiment rien. Restent les danses en elles-mêmes, indéniablement réussies et en particulier celle d’Elsa Wolliaston - sans surprise, Damien Manivel étant lui-même un danseur professionnel. Mais quitte à cela, autant aller voir le spectacle du corps en mouvement dans la réalité avec ses propres yeux plutôt que tristement regarder de la danse filmée au travers d’un œil-caméra aussi terne.
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