Portrait de la jeune fille en feu France 2019 – 120min.
Critique du film
Cet amour là est bouleversant
Scénariste reconnue, réalisatrice respectée; après Tomboy et surtout Bande de filles, Céline Sciamma fait étalage de tout son talent avec Portrait de la jeune fille en feu, romance déchirante dans les années 1700 et prix du scénario au dernier Festival de Cannes.
Marianne (Noémie Merlant) est appelée par une Comtesse (Valeria Golino) pour brosser le portrait de sa fille, Héloïse (Adèle Haenel). Une affaire compliquée à réaliser: Héloïse est réfractaire à l’idée de poser. Le tableau étant destiné à son futur époux. Butée et résistante, Marianne devra la peindre en secret, suivre ses courbes pour rendre la toile la plus fidèle possible. Les deux femmes vont se jauger, se regarder, se découvrir. Une promenade, des indiscrétions, des secrets, une romance secrète. L’amour est à son apogée.
L’expression du peintre, la position du poète. Marianne appréhende sa muse avant de pouvoir la dessiner. Lui mentir avant de succomber au désir brûlant. Héloïse est cette femme enfermée dans un carcan, prisonnière d’un destin qu’elle se refuse d’embrasser. La peindre sans qu’elle le sache, épouser ses formes, suivre ses moindres faits et gestes, détailler ses tics, Marianne la scrute, l’effleure du regard. À force de contemplation, l’amour naît. Une romance passionnelle, tout en retenue, le rapprochement entre l’artiste et sa muse. Le bouillonnement des sentiments dessine les contours d’une idylle profonde, impossible, si précieuse que le temps se fige.
Baigné dans une photographie élégante, construite en tableaux en mouvement pour déballer une splendide délicatesse picturale, Portrait de la jeune fille en feu s’érige tel le gardien d’un amour fou, charnel, puissant jusque dans le souffle. «En livrant ce tableau, je te perds», une réplique qui résume la complexité d’une histoire vouée à ne pas durer. La falaise en bout de chemin, métaphore d’un amour en équilibre, si pur et si proche de déraper dans le vide. Orphée, plein de grâce, le poète, l’artiste pose le regard sur Eurydice, l’envoûtante créature. Céline Sciamma peint elle-même un nouveau tableau d’une légende grecque fantasmée, plus joyeux malgré la mélancolie. L’histoire confine au sublime, aussi puissant qu’un premier baiser. Une romance aussi enivrante qu’éphémère; une passion charnelle si renversante, qui s’intensifie par une poésie du cadre à couper le souffle.En bref!
Deux femmes dans la tourmente des sentiments, Adèle Haenel et Noémie Merlant sont à la hauteur d’un travail chirurgical, d’une tension amoureuse puissante, dévastatrice. Glorieux romantisme au milieu des regards et maintes caresses. Une toile à l’amour impossible. L’art perdure, le tableau appuie la flamme du désir. Une fin en apothéose, un dernier souffle saccadé et déchirant, proche de la suffocation, porté par Vivaldi et ses 4 Saisons pour clore la trajectoire des sentiments, pour prolonger la flamme d’un amour promis à rester silencieux et évanescent.
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Commentaires
Un film d'amour fait dans la délicatesse. Tout est pudeur, douceur et tendresse. Ce film est magnifique et l'histoire d'amour entre ces deux femmes est absolument pure. L'interprétation est parfaite. Précision, l'absence de musique qui laisse totalement les actrices à leurs émotions. (G-08.10.19)… Voir plus
“Tout feu tout femme”
Marianne débarque sur les côtes bretonnes. Il lui a été demandé de faire le portrait d’Héloïse qu’on enverra en Italie, à son futur époux. Mais celle-ci refuse de poser. Elle ne veut pas se marier.
« Regardez bien les traits, la silhouette… Prenez le temps ! Ne vous précipitez pas… ». Héloïse se fait attendre. Lorsqu’elle apparaît pour la première fois, elle est filmée de dos, dissimulée sous un habit noir. Enfin à l’air libre, elle se précipite vers la falaise, délivrant sa blondeur de la sombre capuche, avant de se retourner vers celle qui l’observe déjà : « J’avais si hâte de faire ça !— Mourir ? lui demande Marianne.— Non, courir. » Pulsion de vie et de mort dans un monde où les femmes demeurent corsetées par l’ombre des hommes absents qui plane sur elles. Couvent, mariage arrangé, grossesse non désirée, célibat. La liberté a un prix.
Sous le regard de l’artiste, le sujet du tableau devient objet de désir. Echo d’une cinéaste qui a aimé son actrice. La peinture prend forme avec soin avant qu’elle ne soit volontairement effacée pour que l’étreinte ne se brise pas encore. La mise en scène de Céline Sciamma est délicate, pensée, magnifique : sabbat chanté autour du feu, reflet dans le sexe de l’autre et ce bébé qui console celle qui ne veut pas être mère. Il faut néanmoins attendre le grand final pour que les flammes estivales de Vivaldi embrasent tel un orgasme les cœurs et emportent les larmes. Un dernier regard sur Eurydice, avant qu’elle ne disparaisse pour toujours. Ne restera que l’image, que le souvenir.
7.5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
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