To the Ends of the Earth Japon, Qatar, Ouzbékistan 2019 – 120min.

Critique du film

A l’ouest, il y a du renouveau

Locarno Film Festival
Critique du film: Locarno Film Festival

Nouveau long-métrage de Kiyoshi Kurosawa présenté lors de la 72ème édition du prestigieux Festival du Film de Locarno, To the Ends of the Earth embarque une équipe de télévision japonaise en Ouzbékistan et sa présentatrice vedette se frotte à la culture locale. Au programme: choc des cultures, et malgré sa bonne volonté, la rencontre ne sera pas de tout repos.

Critique du film par Laurine Chiarini dans le cadre de la Critics Academy au Festival du Film de Locarno.

C’est à l’occasion du 25ème anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et l’Ouzbékistan que le réalisateur Kiyoshi Kurosawa a choisi l’ex-république soviétique comme décor de son 23ème long métrage. Ici, une équipe de télévision japonaise et sa présentatrice vedette se frottent à la culture locale. La jeune femme, incarnée par Atsuko Maeda, n’hésite pas à donner de sa personne, elle tente de pêcher le bramul, poisson mythique mais introuvable du lac Aydar, de déguster un plov pas assez cuit, plat local à base de riz, et même de se prêter de bonne grâce aux pirouettes violentes d’un manège de bric et de broc traînant dans un parc d’attractions.

Les scènes cocasses se succèdent, ne manquant pas au passage d’égratigner une culture locale dans laquelle les femmes ont peu de place, et se moquent des contraintes, parfois absurdes, auxquelles l’animatrice et son équipe doivent se plier pour satisfaire leur audience. Si l’équipe repart bredouille après chaque nouvelle tentative de pêche c’est «à cause de la femme», explique un pêcheur local à l’interprète. Même chose au parc d’attractions, où les autochtones présents conseillent fortement à l’équipe de ne pas laisser celle qu’ils s’entêtent à qualifier d’«enfant» prendre place sur le manège, sous peine de lui causer des dommages au cerveau.

Au-delà des différences culturelles, c’est un problème de communication que révèle le film. Lorsqu’ils parlent uniquement en ouzbek, les dialogues ne sont pas traduits, laissant le spectateur au même niveau de compréhension zéro que les membres de l’équipe TV. Suite à un malentendu, alors que Yoko est emmenée au poste, un policier lui reproche de n’avoir rien dit: «Si vous ne compreniez pas, vous auriez dû nous le dire. Comment se connaître si on ne se parle pas?»

Le monde télévisuel n’est pas épargné non plus. A la fête foraine, une Yoko, pourtant malade, embarque pour un troisième tour de manège afin que le cameraman puisse zoomer en gros plan sur son visage décomposé. L’enthousiasme quasi théâtral de la jeune femme dès que la caméra tourne cache une réalité différente. A Tachkent, elle s’insurge après qu’une chèvre à qui elle a voulu rendre sa liberté est reprise par ses propriétaires: «Vous avez votre film; n’est-ce pas cela que vous vouliez ?», rétorque la paysanne face à ses protestations.

Si la langue peut être une barrière, elle sait aussi rapprocher. Ainsi en va-t-il du personnage de Temur, jeune interprète ouzbek ayant appris le japonais après avoir entendu l’histoire vraie de l’opéra de Tachkent, décoré par des Japonais prisonniers de guerre. C’est dans ce lieu également que Yoko aura une révélation: sa vraie passion, c’est la chanson. To the Ends of the Earth se déguste comme une comédie assaisonnée d’un soupçon d’effet dramatique. Son dénouement, dans un paroxysme des plus kitsch, voit une Yoko libérée chanter dans les vertes collines des paysages ouzbeks.

25.10.2019

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