Woman France 2019 – 104min.

Critique du film

#MeToo célèbre les femmes

Camille Vignes
Critique du film: Camille Vignes

En 2015 sortait Human de Yann Arthus-Bertrand, un documentaire s’appuyant sur les témoignages de milliers d’hommes à travers le monde, abordant l’amour, l’agriculture, l’homosexualité, l’immigration… Pareil à Human, Woman recueille les récits intimes de milliers de femmes à travers le monde et continue à peindre la fresque gigantesque du photographe.

Woman. Femme. Au singulier. Des milliers de destins de femmes devenus un. Des milliers de destins se mêlant aux milliards d’autres qui existent à travers le monde, comme si tous vibraient ensemble pour n’être qu’une grande histoire, si différentes et pourtant si semblables. Devant la caméra de Yann Arthus-Bertrand et d’Anastasia Mikova défilent des milliers de femmes. Une centaine ont été retenues au montage. Les unes après les autres elles exposent leur parcours de vie, qui leur sexualité, qui les violences qui leur ont été faites, qui leur maternité, toutes leur vision de la féminité…

Présenté hors-compétition à la Mostra de Venise, Woman ne cache jamais son ambition: exposer sans tabou ce que c’est qu’être femme, discuter des abus, des discriminations, des joies aussi et rappeler le long chemin qu’il reste à faire pour qu’enfin la parité triomphe. Coréalisé par la journaliste et cinéaste Anastasia Mikova et le photographe français Yann Arthus-Bertrand, Woman continue le travail de Human, tant dans sa forme que dans son fond. Des pleurs aux rires, de la légèreté à la gravité, ce documentaire a pour vocation d’éduquer en affrontant frontalement les sujets les plus tabous, les actes les plus barbares et les jouissances les plus belles. En filigrane, des questions tissent et se dévoilent: qu’est-il arrivé à l’humanité pour qu’on fasse ça aux femmes? Pourquoi naître femme, c’est naître silencieuse?

Impossible de ne pas voir que le mouvement #MeToo continue d’infuser la société, de dénouer les langues, de donner aux femmes l’envie de parler et de rappeler les violences du monde. Impossible, de prime abord, de ne pas être touché par le simple fait d’entendre ces femmes se dévoiler. Mais, malheureusement, impossible aussi de ne pas passer à côté de la maladresse du dispositif. Droit dans l'œil de la caméra, ces femmes se racontent, sans artifice ni maquillage. Rappelant les petites conquêtes et les plus grands malheurs, sans transition ni approfondissement. La manière de raconter reste la même, les histoires sont toutes traitées avec la même importance, certainement pour créer une unité dans ces récits. Mais peut-on donner à des viols, des excisions, des tortures à l’acide, des mariages forcés ou des soucis d’épilation la même importance?

La mosaïque créée par Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand n’est entravée d’aucun tabou et dit une chose: les femmes, de par leur corps, ont une responsabilité immense. Mais elle pose un vrai problème dans son traitement de l’information. Mettre ces différents témoignages sur un pied d’égalité amoindrit le propos général et donne à Woman des allures de publicité de sensibilisation, de près d’une heure cinquante. Certes l’accumulation joue de son côté et montre l’universalité de ces récits, mais le résultat n’atteint jamais complètement son objectif et devient malheureusement souvent anecdotique.

En bref!

C’est une fresque féminine gigantesque et ambitieuse que proposent d’offrir Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand. Une fresque faite de témoignages bouleversants et d’envolées lyriques. Une célébration faite aux femmes qui, malheureusement, se fait bouffer par son dispositif et amoindrit l’importance de ses témoignages.

03.06.2020

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