Adieu Monsieur Haffmann France 2020 – 116min.

Critique du film

Le diable inattendu

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

La pièce de théâtre éponyme de Jean-Philippe Daguerre se voit adaptée sur grand écran par Fred Cavayé, et met en lumière un trio de personnages sous l’Occupation en France. La guerre en toile de fond, Adieu Monsieur Haffmann raconte la dégringolade d’un homme en proie à sa cupidité.

Paris 1941, Joseph Haffmann (Daniel Auteuil) est propriétaire d’une bijouterie de la place. Artiste joaillier juif respecté, il emploie François Mercier (Gilles Lellouche) comme second. Alors que la menace nazie se fait de plus en plus alarmante dans la capitale, et que la communauté juive n’est plus en sécurité, Joseph envoie femme et enfants en zone libre et promet de les rejoindre après avoir réglé toutes ses affaires. Il prévoit de céder sa boutique, son appartement et tout ce qu’il possède à François. Les deux hommes se mettent donc d’accord : François s’occupera de la boutique et, avec sa femme Blanche (Sara Giraudeau), prendra ses quartiers dans l’appartement de Joseph jusqu’au retour de la famille à la fin de la guerre.

Mais, alors que tout est organisé et que Joseph s’apprête à aller rejoindre les siens, ce dernier est contraint de rebrousser chemin, les Allemands contrôlant déjà tous les environs. Il trouve refuge dans la cave de sa boutique, désormais dirigée par François qui, petit à petit, se transforme en homme abominable, que l’appât du gain mènera à sa perte.

C’est moins une histoire de guerre qu’une histoire de courage, d’honneur et de loyauté. Adieu Monsieur Haffmann, bien qu’ancré en pleine Seconde Guerre mondiale, se focalise sur trois personnages dont la droiture est mise à rude épreuve. Et dans une conjoncture d’une telle férocité, les traits de caractère se révèlent et laissent parfois apparaître le plus laid. La guerre fait partie de ces situations extrêmes où chaque parti doit faire des choix toujours assortis de conséquences dramatiques. Le métrage met judicieusement en exergue ces contextes intenses où il n’y a jamais de petites décisions, mais seulement des choix aux issues décisives.

Adapté de la pièce de théâtre de Jean-Philippe Daguerre, réalisé par Fred Cavayé et coécrit par Sarah Kaminsky et Fred Cavayé, Adieu Monsieur Haffmann retrace quelques mois dans la vie d’un homme de prime abord droit, vivant simplement, mais avec des rêves de gloire, glissant lentement vers la plus horrible version de lui-même. Argent, renommée et reconnaissance, François, le petit employé devenu quelqu’un, est désormais inarrêtable dans sa quête de succès, allant même jusqu’à copiner avec les officiers nazis. « Avant il n’avait rien, maintenant il veut tout », sa femme Blanche voit son mari se métamorphoser sous ses yeux, impuissante.

Sixième long métrage de Fred Cavayé, et premier film historique pour le réalisateur français, Adieu Monsieur Haffmann a surtout l’avantage de mettre en scène un trio d’acteurs formidable. Évoluant en quasi huis clos, chacun des protagonistes se révèle au fur et à mesure de l’intrigue, dans ses bonnes, mais également ses pires facettes. Gilles Lellouche, Daniel Auteuil et Sara Giraudeau parviennent à créer une dynamique à la fois oppressante, urgente et touchante, éclipsant la menace nazie au profit d’un spectre plus intime. La pire des menaces n’est pas toujours celle que l’on imagine.

12.01.2022

4

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

vincenzobino

il y a 2 ans

3.75: L’effet papillon
1941, Paris : Joseph Haffman, un brillant bijoutier juif est contraint d’être caché par son employé François boiteux et son épouse Blanche. Ne pouvant apparemment avoir d’enfants, François accepte de le nourrir et le protéger si Joseph peut lui offrir un fils. Mais il est des amitiés et des alliances que l’on ne peut fuir.
Le voici ce retour du maître du Jeu Fred Cavayé. En adaptant la pièce de Daguerre, l’occasion d’une nouvelle partie de poker menteur était saisie. Elle est quasiment relevée.
Il faut effectivement un certain temps pour se mettre dans le bain de par l’absence d’un accompagnement musical et une prise de son faible sur les vingt premières minutes. Puis le marché conclu semble prendre forme mais un ballon va provoquer un coup-franc et une broche sceller un destin.
Comme pour le Jeu, l’étude de la personnalité changeante est admirable, surtout sur la notion de supériorité. Et davantage que dans la rencontre entre les deux couples, ces vingt dernières minutes marquent et la femme avenir de l’homme pourrait bien causer sa perte.
Le papillon de mon titre est clairement pour Sara Giraudeau. Apparemment discrète blanchisseuse, son personnage va évoluer et accomplir un acte on ne peut plus blanc. Et la voix de l’actrice à peine inaudible au début est remplacée par un pas vif. La chenille peut s’envoler.
A recommander pour cette justice...Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


CineFiliK

il y a 2 ans

“L’homme de la cave”

En 1941, alors que les bottes allemandes claquent aux portes de la ville, Joseph Haffmann confie sa bijouterie à son employé François Mercier. Juif, il doit quitter Paris au plus vite pour tenter de rejoindre les siens en zone libre. N’ayant pu fuir comme espéré, il retourne dans sa boutique pour s’y cacher.

L’un, propriétaire, a du talent, des moyens et une famille. L’autre, infirme, doit se contenter des tâches subalternes, d’un appartement bien modeste et rêve d’enfants qu’il ne peut donner à son épouse. Humilité, frustration et jalousie. La guerre opère un inversement des rôles jusqu’au-boutiste et dangereux. « Avant on n’avait rien, maintenant il veut tout », confesse Blanche Mercier à propos de son mari.

Dans ce duel attendu, Daniel Auteuil fait preuve d’une retenue élégante face à un Gilles Lellouche convaincant en Français bien médiocre. Mais c’est Sara Giraudeau qui se distingue le plus dans ce film programmatique. Sa voix fluette et son physique atypique apportent à son personnage de femme victime d’un chantage affectif plus que douteux une profondeur trouble et troublée. Au final, c’est elle qui décidera du sort et de la tragédie de ces deux hommes déchirés.

(6/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


Eric2017

il y a 2 ans

Je n'ai pas vu la pièce de théâtre et je peux dire après avoir vu le film que je ne la regarderais pas. Le film est terriblement long où il ne se passe rien. C'est film intéressant mais on a vu beaucoup mieux dans le genre. (G-15.01.22)


Autres critiques de films

Gladiator II

Red One

Venom: The Last Dance

Le Robot Sauvage