Antebellum Etats-Unis 2020 – 106min.
Critique du film
Conscience sans science
Produit par QC Entertainment, société de production derrière Us, Get Out, ou BlacKKKlansman, Antebellum est un nouveau film d’horreur porteur des thématiques raciales qui ont en partie construit l’excellente réputation et le succès de ceux de Jordan Peele. Un parallèle intensément mis en avant par la promotion du film et qui est majoritairement vérifiable, à une nuance près: contrairement aux films précités, Antebellum est un naufrage artistique complet.
Eden (Janelle Monáe) est une esclave noire travaillant dans une plantation de coton pendant la guerre de Sécession américaine essayant désespérément de s’échapper. Veronica Henley (Janelle Monáe) est une intellectuelle universitaire noire américaine contemporaine à la pointe des luttes raciales. Par delà le temps et l’espace, leurs histoires sont cependant intimement liées par une malédiction commune: l’histoire de l’Amérique.
On se demande bien pourquoi l’on est surpris par la médiocrité d’Antebellum: 4 millions de dollars en tout et pour tout au box-office américain et un faible score sur les différents sites agrégateurs de critiques, cela aurait mis la puce à l’oreille de n’importe qui. À la vérité, ce n’est pas tant la faible qualité du film qui surprend: naturellement propice à la série B voire Z, le genre horreur produit chaque année un sacré paquet de pots cassés. Ce qui rend Antebellum remarquable, c’est le degré et la constance de son ratage. On évoquait un naufrage, voici le radeau de la Méduse.
Du premier au dernier plan, rien ne va à bord du frêle esquif Antebellum, dont l’équipage s’empresse d’ouvrir grand la lance à incendie dès son introduction pompière alors que le navire prend déjà l’eau de toutes parts. De la photographie cosmétique parasitée par un grain numérique abject aux interprétations ridicules de Janelle Monaé, qui lâche sa meilleure imitation de Michèle Obama, et de Jena Malone, pourtant bonne actrice d’ordinaire, en passant par une écriture enchaînant les clichés du genre comme d’aucuns enfileraient des perles de jumpscare en toc (une petite fille dans un couloir d’hôtel et de la contrebasse, vraiment? En 2020?) et les poncifs militants comme d’aucuns peigneraient la girafe «woke», Antebellum se surpasse dans la consternation, et surtout, surtout, ne ferait même pas peur à un chaton spasmophile.
Visiblement plus occupés à empêcher l’élection de Donald Trump plutôt que d’essayer de raconter correctement une histoire à twist aberrant qui ne retournerait même pas une crêpe à ressorts dans une poêle rebondissante, le duo de réalisateurs à l’origine d’Antebellum ne maîtrise jamais son récit pourtant pétri d’intentions louables, à tel point que ces mêmes intentions se retrouvent trahies en fin de film à cause d’une iconisation héroïque extrêmement douteuse (et d’un mauvais goût pictural rare), tendant à prouver que la barbarie est une bonne chose si elle est du bon côté de la morale. Aucun outil cinématographique, même le plus élémentaire, n’est utilisé correctement, tant et si bien que non seulement Antebellum plante les clous de sa propre croix, mais en plus il le fait en tapant avec le manche du marteau. Beaucoup (trop) de conscience politique, aucune science du récit: Antebellum, la ruine de l’âme.
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Commentaires
“Black lives matter”
Dans une plantation du sud des États-Unis, une femme au milieu d’autres est réduite en esclavage. Après avoir tenté de s’échapper, Eden, comme on l’appelle, est marquée au fer rouge par son maître. Mauvais rêve ou cauchemar éveillé ?
« Le passé ne meurt jamais. Ce n’est même pas le passé. » A la lueur de ces mots de William Faulkner, doublement cité dans le film, s’éclaire rapidement le discours tenu. Le racisme aujourd’hui est aussi palpable qu’hier. Ordinaire ou déclaré, il envenime les esprits nostalgiques de ce temps pas si ancien où la couleur noire n’était bonne qu’à recueillir le coton clair. Autant en emporte un vent qui n’a jamais cessé de souffler, attisé dernièrement par les mots de la blanche Maison.
La démonstration est limpide, mais souffre de quelques longueurs et d’un style proche du pompier. Il n’empêche que le constat suscite le malaise. Après Get out et Us, nul besoin de faire appel au fantastique pour aborder l’horrifique. La réalité de l’histoire, qu’elle soit antérieure ou contemporaine, suffit.
6.5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 4 ans
Commentaire sans "SPOIL".
Quand un film compile autant de critiques négatives il devient intéressant et pour une fois je ne suis pas déçu. "Antebellum" s’ouvre sur un plan séquence d’environ cinq minutes d’une beauté sidérante. Un travelling à couper le souffle qui débute sur une pure image d’épinal pour se conclure dans l’horreur absolue. Dans le sud profond, une petite fille en robe jaune sautille, des fleurs à la main, et rejoint sa maman au milieu de l’escalier extérieur d’une demeure qui ressemble à celle de Big Daddy Bennet. Le soleil brille et la nature est verdoyante. Quelques minutes plus tard, Eden (Janelle Monáe) est couchée sur un cheval et un couple noir crie son désespoir à la face du spectateur. Il y a déjà plus de cinéma dans ce début fracassant que dans le sulpicien et lourdingue "12 years a slave". "Antebellum" signifie étymologiquement "avant la guerre", mais la guerre a déjà commencé et le film va s’occuper à dépeindre le combat d’Eden pour se retrouver debout sur son cheval et retrouver sa fille dans sa jolie robe jaune.
On entend ici et là que "Antebellum" n’est pas un film d’horreur. Si on considère que le "rape and revenge movie" en est un sous-genre il en est donc un. En littérature, ce genre ne pose aucun problème vu le succès mondial de la série "Millenium", par exemple, à travers le personnage de Lisbeth Salender, mais au cinéma c’est une autre histoire. Le "rape and revenge movie" n’a pas peur du manichéisme, du grotesque et des gros effets. Une critique que l’on pourrait d’ailleurs faire au film est qu’il est peut-être un peu trop gentil, on est loin de la monstruosité de chefs d’œuvre du genre comme "La Dernière Maison sur la gauche" et son pénis sectionné ou "I spit on your grave" mais il mérite quand même plus que le mal que l’on en dit.
La matrice du genre est née en Suède. "La Source" du plan grand réalisateur du monde, Ingmar Bergman, est souvent considéré comme le premier "rape and revenge movie". C’est ce film qui en a défini la structure : viol, retour, vengeance. Ceux qui critiquent la structure du film critique le genre. Surtout que les plus grands réalisateurs l’ont respectée (Sam Peckinpah, Toshiya Fujita ou Quentin Tarantino en tête).
Donc, voir dans ce film uniquement une allégorie des maux qui rongent le pays sans nom (les Etats-Unis d’Amérique) est une erreur. Ça l’est, mais pas seulement. C’est avant tout un film de genre. Genre qui plonge ses protagonistes au-delà du bien et du mal. Que les protagonistes soient blancs ou noirs ne changent rien ils doivent faire éclater leur part sombre à la face du monde et la vengeance est toujours plus monstrueuse que les sévices subis par la victime.… Voir plus
Dernière modification il y a 4 ans
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