CH.FILM

La jeune fille et l’araignée Suisse 2021 – 99min.

Critique du film

Qui a peur du rouge, du jaune, du bleu ?

Cornelis Hähnel
Critique du film: Cornelis Hähnel

Suite au départ de Dieter Kosslick au poste de directeur de la Berlinale en 2019, la succession menée par la directrice générale Mariette Rissenbeek et le directeur artistique Carlo Chatrian a voulu innover. Ainsi la 70e édition du festival a vu l’apparition de la catégorie «Encounters», une catégorie destinée à offrir une plate-forme pour les œuvres audacieuses de cinéastes indépendants. Et La jeune fille et l’araignée n’eut aucun mal à y trouver sa place. En effet, les cinéastes suisses Ramon et Silvan Zürcher nous offrent une œuvre merveilleusement unique, étrange et singulière.

L’époque de la vie en colocation est enfin révolue pour Lisa (​​Liliane Amuat). Après avoir trouvé un appartement, elle est impatiente d’entamer cette nouvelle étape de son existence. Mais pour sa colocataire Mara (Henriette Confurius), ce déménagement entraîne un enchainement de troubles émotionnels. Pendant deux jours, avec l’aide des amis, de la famille et des voisins, les cartons seront emballés, les meubles démontés, les désirs et les craintes exposés.

En 2013, le réalisateur Ramon Zürcher s’était déjà fait remarquer avec L’Étrange petit chat et La jeune fille et l’araignée constitue la deuxième partie de sa trilogie sur l’intimité des relations humaines entamée avec son frère Silvan Zürcher. Comme pour le précédent, le film témoigne d’une esthétique singulière et inhabituelle.

L’action qui se déroule principalement en intérieur et l’intensité de l’éclairage confèrent aux images des airs de prises de vue en studio. Il s’en dégage une artificialité dans laquelle s’épanouit une saturation de couleurs primaires: bleu, jaune et rouge. Dans ce monde, en apparence logique et clairement structuré, la menteuse autoproclamée Mara, navigue en T-shirt gris et bouleverse l’ordre établi.

Henriette Confurius interprète ce personnage d’une manière étrangement enchantée, quelque part entre le somnambulisme agressif et la destructivité poétique. Elle scrute les failles, cherche les erreurs, se réjouit du café renversé et du moindre chaos. Et soudain, ses actions perturbatrices à dessein se mettent au diapason d’un environnement qui lentement se dérègle. Doucement apparaissent des craquelures, des fissures, les robinets gouttent, les fenêtres se bloquent et les chaussures qui n’en finissent plus de grincer.

Le film se concentre sur les états de transition, de bouleversement, d'entre-deux. Les frères Zürcher mettent en scène leurs personnages (dont Ursina Lardi, Sabine Timoteo et Liliane Amuat) comme autant de créatures merveilleuses dans une normalité apparemment étrangère, à la fois clairement structurée et impénétrable. Une toile d'araignée complexe au look Bauhaus se construit. L’intrigue classique est presque abandonnée, une tension faite de moments fortuits, de gestes, de regards et de rencontres se crée et procure au film ses traits si singuliers. La jeune fille et l’araignée devenant ce mélange particulier de conte de fées, de psychodrame et d’anthropologie sociale. Une œuvre idiosyncratique taillée dans la discorde des relations humaines.

(Adapté de l’allemand par Maxime Maynard et Théo Metais)

24.09.2021

4

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