Haute couture France 2020 – 119min.
Critique du film
Immersion dans la maison Dior
En 2014, Sylvie Ohayon nous présentait son premier long métrage, Papa was not a Rolling Stone. Malgré un accueil mitigé, il lui permit de se faire une place dans le cinéma français. Sept ans plus tard, la réalisatrice explore le monde des couturières de la maison Dior dans Haute couture et reprend un thème cher à son cœur, celui de l’émancipation sociale. Mais si le métrage se veut inspirant, il ne réussit, en fin de compte, que très difficilement à capter notre attention.
Jade (Lyna Khoudri) a la vingtaine. Elle vit dans une cité de Seine-Saint-Denis, s’occupe de sa mère dépressive et passe le reste de son temps avec son amie Souad. Dans le métro parisien, elles arrachent un jour le sac d’Esther (Nathalie Baye), une dame d’une soixantaine d’années. Jade se décide à lui ramener ses biens. Contre toute attente, Esther lui propose un stage dans la maison Dior, où elle travaille comme première d’atelier. La jeune femme accepte. Débute alors sa formation.
La haute couture fascine. Déjà en 2014 Pierre Niney avait enfilé le costume d’Yves Saint-Laurent, nous faisant découvrir l’envers du décor de cet univers de luxe. Nous nous trouvions captivés, découvrions les pressions et le stress subits par les ateliers, observions le rythme effréné précédant les collections et défilés. Mais Haute couture possède un titre trompeur et Sylvie Ohayon ne s’intéresse finalement que très peu à ce monde. La mode et la couture ne sont que le décor d’une comédie dramatique sociale à la française, se concentrant sur la transmission du savoir.
La cinéaste déborde de bonne volonté, souhaitant mettre en avant le bon de l’humain. Malheureusement, ce “feel good movie” devient difficile à apprécier pleinement, tant l’intrigue paraît improbable. Les péripéties semblent sortir de nulle part, rajoutent à notre incompréhension et nous laissent dubitatifs. Si nous sommes prêts à accepter qu’une jeune femme sans aucune expérience, telle que Jade, puisse se voir spontanément proposer un stage dans l’une des plus grandes maisons de couture après un vol à l’arraché, nous peinons à comprendre et interpréter les relations des personnages.
Nathalie Baye et Lyna Khoudri donnent d’elles même, offrant des performances fortes. Si leur alchimie peine à se révéler dans la première partie du film, elle finit par se percevoir au fil de l’histoire. Mais des dialogues maladroits complexifient leur communication. Les deux femmes ne se parlent pas, elles crient, enchainant les disputes.
Sylvie Ohayon entoure ses actrices principales d’un ensemble de personnages secondaires hauts-en-couleurs, mais sans relief. La réalisatrice ambitionne d’aborder avec eux des sujets importants, pour ne finir que par les survoler. Nous sortons dubitatifs devant la représentation de Mumu, mère dépressive de Jade. La santé mentale mérite une plus grande place sur nos écrans, mais «Haute couture» nous renvoie à la sempiternelle idée erronée que sortir d’une dépression n’est finalement qu’une question de bonne volonté. Il en est de même avec le personnage de Sephora. Son rôle aurait pu ouvrir la voie à une vraie discussion sur le genre, la transidentité et la non-binarité, mais ne reste qu’un support vide, récepteur de blagues douteuses. Nous sentions pourtant la cinéaste prête à creuser. Lorsque le personnage de Claude, "ennemie" de Jade au sein de l’atelier, commence à craquer et à pleurer, nous sentons une vraie volonté de donner une profondeur à ses sujets. Mais ses ardeurs sont rapidement freinées.
À trop vouloir bien faire, «Haute couture», finit par se perdre. Sylvie Ohayon nous donne beaucoup à voir et à réfléchir, mais se perd dans des domaines trop peu explorés, ne laissant derrière elle qu’un groupe de personnages secondaires coincés dans une position de faire valoir. L’agréable performance de la distribution ne réussit que très péniblement à titiller notre intérêt. Là où d’autres comédies dramatiques, telle que l’excellente La fine fleur, avait réussi à nous enchanter avec une histoire semblable. Le film de Sylvie Ohayon trébuche et s’égare. Dommage.
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