Wildland Danemark 2020 – 88min.

Critique du film

La famille pour le meilleur et pour le pire

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

Présenté à la Berlinale en février dernier, Wildland, Kød & blod de son titre original, est le premier long métrage de la réalisatrice Jeanette Nordhal. Drame familial, le film dresse un portrait implacable d’un clan où dysfonctionnements et violence latente guident le quotidien.

Après le décès de sa mère, la jeune Ida (Sandra Guldberg Kampp) est expédiée chez sa tante Bodil (Sidse Babett Knudsen). Matriarche qui gère son monde à la baguette, Bodil trempe dans de sales affaires. Elle et ses fils, Mads, David et Jonas, se livrent à des activités illégales et ne s’en cachent pas devant Ida, qui se voit bientôt initiée aux règlements de compte et autres beuveries accompagnant les virées professionnelles. L’adolescente, pour qui les membres de sa famille d’accueil étaient de parfait inconnus jusqu’alors, doit désormais composer avec des proches parents au comportement ambigu. Pire, elle va vite réaliser que dans ce clan, la famille est la valeur maîtresse quoi qu’il en coûte.

Après le traumatisme de la perte soudaine de sa mère, Ida n’est pas au bout de ses peines. Chez sa tante, la jeune fille déboule dans une ambiance particulière où les fils, pourtant adultes, sont toujours considérés comme des enfants, vivent chez maman, boivent et se droguent de la même manière qu’ils se font un sandwich jambon fromage. Ambiguïté des liens et des rôles, la mère détient un pouvoir sur tous ceux qui l’entourent. Aimée mais redoutée par les siens, Bodil, telle une maman omnipotente, entretient des contacts aussi aimants que malsains avec sa progéniture.

À travers la figure de Ida, Jeanette Nordhal nous plonge dans une atmosphère familiale pesante et néfaste. Si tout mène à croire que la famille est unie, la réalité est tout autre. Dysfonctionnel à souhait, le clan est régi par des mécanismes tacites de manipulation et des relations de pouvoir abusives. À l’aide de nombreux plans sur le visage de l’adolescente, à la fois impassible, mais traduisant une palette d’émotions allant de la peur à la tristesse en passant par l’incompréhension et la confusion, la réalisatrice use d’une mise en scène sobre. Débarrassée de dialogues superflus, l’histoire fait la part belle au regard de la jeune fille qui, à lui seul, exprime bien plus que mille mots. Interprété par la jeune Sandra Guldberg Kampp, aperçue dans la série danoise The Rain, le personnage d’Ida, souvent mutique, incarne une forme de résilience évoluant au fil de l’intrigue.

Car, le récit écrit par Ingeborg Topsøe finit par poser sur la table une question fondamentale: doit-on protéger sa famille à n’importe quel prix? Ou en d’autres termes, les liens du sang sont-ils plus forts que tout? Se sacrifier au nom du clan, le besoin si nécessaire d’appartenance familiale, le besoin d’amour et de reconnaissance, des éléments de réponse soulevés dans ce premier film prometteur pour la suite de carrière de la réalisatrice danoise.

02.11.2020

3.5

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