La Fille au bracelet France 2020 – 95min.

Critique du film

Une parure lourde à porter

Locarno Film Festival
Critique du film: Locarno Film Festival

Dans son 3ème long métrage, Stéphane Demoustier raconte l’histoire de Lise, accusée d’avoir tué sa meilleure amie. Au-delà de la question de la culpabilité apparaît le problème de la communication entre générations.

Critique de Laurine Chiarini dans le cadre de la Critics Academy au Festival du Film de Locarno.

L’histoire semble simple: Lise, 18 ans, est accusée d’avoir tué sa meilleure amie. En liberté surveillée, elle porte un bracelet électronique. Le film suit son procès, mais l’enjeu principal est ailleurs: dans une famille mise à rude épreuve se creuse un gouffre générationnel, révélateur des difficultés de communications entre parents et enfants. Mais l’objectif n’est pas de dénoncer une génération actuelle par rapport à l’autre: le film pose des questions, montre que les gens ne se comprennent pas.

Face au mutisme d’une Lise qui ne se dévoile pas, parents et juges s’interrogent: ne ressent-elle rien? La caméra, assez loin d’elle, entretient cette distance. Le point de vue repose sur son entourage, ses parents surtout, qui s’efforcent de la laisser mener la vie qui devrait être celle de n’importe quelle adolescente. A travers le regard de ses proches naît un début d’empathie, sinon pour la jeune femme, au moins pour la situation difficile à laquelle est confrontée toute une famille.

Mais qu’est-ce qu’une vie d’adolescente normale aujourd’hui? Au fil du récit apparaissent certaines pratiques sociales vues par les jeunes comme normales, voire banales. Rien ne semble plus distinguer l’amour du plaisir; offrir une faveur sexuelle à un ami «parce que cela se fait» ne semble pas perturber le groupe d’adolescents dont Lise fait partie. Mais que savons-nous de ces jeunes de 16-18 ans, de leur vie, de leurs amitiés, de leurs codes, se demande l’avocate de Lise? Le procès n’est pas un jugement moral, et Lise refuse d’ailleurs toute étiquette. A la question de savoir si elle se considère comme une «fille facile», cette dernière rétorque que personne ne demande aux garçons s’ils sont faciles.

Lise est-elle coupable? Nous ne le saurons pas: l’actrice Melissa Guers sentait son personnage «un jour innocente, un autre jour coupable». La salle du tribunal, aux murs rouge foncé, crée une atmosphère à la fois impersonnelle et oppressante; les équipes ont dû se conformer aux codes du droit français, prérequis obligatoire dès lors qu’un tournage a lieu dans un bâtiment officiel.

Face à l’impassibilité de Lise, deux femmes se font face, à coups de tournures rhétoriques: d’un côté son avocate, jouée par Annie Mercier, incroyable de présence dans son rôle de défenderesse aguerrie; de l’autre, la jeune procureure qui ne lâche pas le morceau, interprétée par Anaïs Demoustier, la sœur cadette du réalisateur. Face aux envolées verbales des unes, Lise se mure dans le silence: car celui-ci isole, mais permet également de se protéger. Il faudra attendre la toute fin du film pour que la jeune fille, enfin, dévoile ses sentiments et livre un peu d’elle-même.

17.01.2020

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“Une intime conviction”

Sur la plage, devant ses parents, Lise, 16 ans, est emmenée par la police pour être interrogée. Deux ans plus tard, on assiste au procès qui déterminera si la jeune fille a assassiné ou non sa meilleure amie.

Connaît-on véritablement ses enfants ? Sait-on réellement ce qui se joue dans leur tête ? Ce film tendu pose la question et laisse planer le doute. Dans le rôle de l’accusée, la nouvelle venue, Melissa Guers, impressionne. Mutique, impassible, rien ne transparaît sur son visage. Face à elle, ses parents effondrés demeurent droits et dignes. Quant aux joutes oratoires des différents avocats, elles quêtent en vain leur vérité. A chacun alors de se forger une intime conviction apte à différencier justice et jugement.

(7/10)Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


Eric2017

il y a 4 ans

Ce film est brillamment interprété. Tous jouent juste et sont totalement crédibles. J'ai beaucoup aimé cette histoire soulevant la question suivante: Connaissons-nous vraiment nos enfants? (G-11.02.20)


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