CH.FILM

Le Prix du Gaz Suisse 2020 – 64min.

Critique du film

De l’eau dans le gaz

Lino Cassinat
Critique du film: Lino Cassinat

Toutes les œuvres ne proposent pas le même niveau de difficulté dans l’exercice du commentaire esthétique, et, assez aisément, il est possible de déterminer des types d’œuvres plus conciliantes que d’autres. Par nature, le documentaire politique fait partie de ces types les plus arduss, puisqu’il allie le réel comme point de départ (donc non discutable) au lieu de la fiction et le ressenti personnel (donc non discutable) comme guide. Et au sein même de cette catégorie, plus difficile encore: le commentaire esthétique d’une œuvre politique bancale sur une cause à laquelle on adhère.

Dans une vallée du canton de Neuchâtel, des citoyens s’inquiètent d’un projet de forage de gaz par fracture hydraulique mené par le groupe Celtique Energy. Entre lobbyistes, corporations, politiciens et habitants, une bataille s’engage entre David et Goliath.

Avec ce film, Orane Burri espère elle-même lutter et aider David, et il faut accorder du mérite à cette honnêteté intellectuelle: c’est établi d’emblée, Le Prix du Gaz est un film partisan. Activiste même, pourrait-on dire, tant le film s’échine à faire passer un implacable discursif plutôt que d’inviter à la réflexion, esthétique ou politique. Le documentaire politique est un exercice affreusement compliqué, certes, mais quelques principes élémentaires tirés de Chris Marker, Agnès Varda ou Luc Moullet ont pu être établis avec le temps, que Le Prix du Gaz ignore complètement avec une très curieuse impétuosité.

Il est ainsi infiniment regrettable qu’aucun espace de pensée ne soit accordé au spectateur: le film fait tellement bloc autour de sa cause (indéniablement noble et juste par ailleurs, là n’est pas la question) qu’il en devient un slogan idéologique impossible à investir. Le processus organique de dialogue d’esprit à œuvre est atomisé par cette méthode, et de spectateur face à une image, on passe en un générique sensationnaliste à auditeur passif face à un tribun passionné, s’exprimant sans doute et au présent de vérité générale et ne répondant qu’aux questions qu’il a lui-même posées avant de quitter le pupitre. Ce sera donc vivifiant pour les déjà convaincus, écœurant pour les autres, et au milieu, la lande stérile.

Le Prix du Gaz danse sur la fine corde entre documentaire à point de vue et rapport de faits avec parti pris. C’est que, contrairement à l’exemplaire immaculé Un Pays qui se Tient Sage, Le Prix du Gaz ne prend pas de recul, ne contextualise pas, et donc ne transcende pas l’émotionnel. Au contraire, il l’exploite, et c’est probablement là son vice caché, le plus insidieux: flatter les instincts. C’est très commode, puisque c’est efficace même en l’absence de rigueur et de structure intellectuelle et permet de peindre en héros des gens qui affirment: «ne croyez ni les experts, ni les politiques». Car évidemment, c'est lui qu’il faut croire... même s’il est lui-même expert ET politique. Marx a dit que, mécaniquement, le capitalisme s’effondre sous le poids de ses contradictions, mais on peut extrapoler cette maxime à tout ce qui ne supporte pas d’être plusieurs choses contradictoires en même temps : la physique quantique, l’art et l’humain. La dernière chance au subjectivement objectif Le Prix du Gaz est donc de se transformer en chat.



05.05.2021

2.5

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Commentaires

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maus00

il y a 3 ans

Si vous en avez marre de voir les héros (écolos, policiers, tragiques,...) défilés au cinéma, Le Prix du gaz - une résistance citoyenne vous plaira bien. Car c'est l'histoire d'une résistance populaire, des gens qui pourraient être vos voisins, vous-même, qui se mobilisent, résistent et s'informent. Pour tenir la tête à une multinationale, et on peut dire que David a gagné, dans ce cas pratique. Filmé en immersion et sans financement, la réalisatrice réussit de nous transmettre également des informations très techniques par rapport aux forages. À découvrir !Voir plus


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