Les 2 Alfred France 2020 – 94min.
Critique du film
Déconnecter pour reconnecter
Labellisée Cannes 2020, Bruno Podalydès a le mal de l’époque dans Les 2 Alfred. Une comédie légère empreinte de subtilité pour dénoncer notre tendance à subir cette hyper connexion.
Chômeur, Alexandre (Bruno Podalydès) a deux mois pour prouver à sa femme qu’il est capable de s’occuper des enfants et trouver une autonomie financière. Il trouve de l’embauche chez «The Box», une start-up qui se veut «cool». La boîte a une règle d’or à ne surtout pas enfreindre: pas d’enfant autrement tu dégages. À l’essai, Alexandre va mentir et croiser le chemin de Séverine (Sandrine Kiberlain), sa supérieure au caractère explosif. Il va également rencontrer un étrange personnage nommé Arcimboldo (Denis Podalydès), un «entrepreneur de lui-même», fin stratège des applis pour aider les personnes à remplir des tâches.
La folie des start-ups, ces nouveaux gadgets pour être à la pointe de la technologie, comme ces multiples expressions anglophones pour coller à la croissance entrepreneuriale décontractée et «friendly». Dans Les 2 Alfred, cette fresque de la nouveauté et de la société contemporaine nous renvoie vers une idée assez précise de l’angle voulu: dans une époque où la liberté prédomine, la direction de «The Box» et sa culture «googelisée» imposent des contraintes. Ici, pas de bambins, la structure n’en veut pas, un frein à la croissance et à la disponibilité 24h/24 souhaitée. Ou plutôt ordonnée par Aymeric (Yann Frisch), le grand boss, flirtant dangereusement avec des règles liberticides.
Alexandre, déboussolé par cette règle, endosse le costume de menteur pour obtenir ce poste et va se frotter à cette règle complexe. Heureusement que Arcimboldo débarque dans sa vie, le suppléant pour garder les enfants. Sans lui, c’est la débandade. D’ailleurs, cet étrange personnage campé par Denis Podalydès en a fait son métier par le biais d’applications, remplaçant des gens dans leur activité ou portant des t-shirts dans des manifestations pour des sociétés - pour 15 euros de l’heure. L’illustration d’un monde ultra-connecté est évoquée dans une comédie qui souhaite se montrer sous son jour le plus subtil. Derrière ce gros message en lettres d’or: déconnecter pour reconnecter à votre vie, Les 2 Alfred est l’exemple du film qui souhaite vous rappeler que votre vie ne doit pas être entravée par votre travail. «Laissez-vous vivre et misez sur l’honnêteté, quitte à perdre votre emploi», semble insinuer Bruno Podalydès. Ou ne plier pas face à l’autorité, faites la plier. Les signaux flottent comme des rappels à la folie de notre ère: les limites de la voiture autonome ou le chauffeur Uber qui s’effondre de fatigue.
Un film qui, en avançant avec l’idée de proscrire les enfants, tente de convoquer une forme de révolte et de réflexion: supprimer les nouvelles générations sur l’autel du travail. Le futur n’est-il pas nos futurs enfants? Soit. Et quand bien même l’idée de base a ses charmes et ses limites, la petite machine offre des moments tendres, comme des moments d’ennui.
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Commentaires
“Game of drones”
Alexandre est dans le rouge. Déçue, son épouse, sous-marinière, a plongé dans les abysses en lui laissant le soin de s’occuper de leurs deux bouts de chou. Chômeur, mis sous pression par son banquier, le papa esseulé doit accepter un poste de « reacting process » dans une jeune boîte dynamique qui refuse que ses employés aient des enfants.
Bienvenue dans un monde quasi d’aujourd’hui où les machines sont de plus en plus émotionnelles – les téléphones intelligents se « smackent » pour échanger leurs données et les voitures sans chauffeur deviennent caractérielles quand on ne « smile » plus – et les humains épuisés, de plus en plus mécaniques – finis le « bonjour » et le « salut », quand le « on » remplace le « je ». Sur les trottoirs de Paris, c’est le « game of drones », aussi nombreux que les crottes canines. Le franglais prédomine, ce qui freine toute communication. Quant au principe du « No child », rendant le travailleur corvéable à merci 24/7, il efface l’historique et avorte tout futur.
De quoi fuir et déprimer si la poésie lunaire des frères Poda n’existaient pas. Dans leur univers ubérisé, les cœurs imprègnent aussi les murs, on paie en claquettes ou se vend grâce à l’enluminure. Malgré la piquante Sandrine Kiberlain, il manque un peu du mordant provoc’ grolandais ou « dupontellien » pour tout emporter. Aussi le film gagne en douceur enfantine ce qu’il perd en efficacité comique et politique.
(6.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 3 ans
Comédie sur les start-up où le langage anglicisme est utilisé en permanence pour se donner un genre. On sent très bien la pression qui pèse sur le personnel et, où chacun à peur de l'autre. Bruno Podalydès le démontre de manière brillante et les deux frères y jouent très bien. Quant à Kiberlain, encore une fois est brillantissime . Quelle merveilleuse actrice. C'est un film très agréable à voir. (G-25.06.21)… Voir plus
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