Miss Révolution France, Royaume-Uni 2020 – 106min.

Critique du film

L'élection de Miss Monde chahutée par une poignée de féministes.

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

En 1970, la cérémonie de Miss Monde se voit perturbée par des activistes du Mouvement de libération des femmes. Miss Révolution raconte les coulisses de cette opération et dépeint les personnages qui y ont pris part, sous la loupe de la réalisatrice Philippa Lowthorpe.

Les préparatifs du célèbre concours de beauté Miss Monde vont bon train. Eric Morley (Rhys Ifans), fondateur de la compétition, met tout en œuvre pour que la soirée soit une réussite. Pour assurer le show, il fait appel à Bob Hope (Greg Kinnear), acteur et humoriste à succès, misogyne intarissable. Sur fond d’apartheid, et dans un contexte politique déjà tendu, se trame en secret une opération du Mouvement de libération des femmes visant à saboter la cérémonie et dénoncer le sexisme d’un tel évènement. À la tête du groupe féministe, Sally Alexander (Keira Knightley) et Jo Robinson (Jesse Buckley), deux femmes aux pratiques divergentes mais aux objectifs identiques.

Une grande scène, un public composé de centaines de soldats américains, nous sommes en pleine guerre du Vietnam. Un humoriste fait rire la galerie. Cet homme c’est Bob Hope, déversant ses blagues vaseuses aux côtés d'une reine de beauté exposée tel un morceau de viande sur un étal devant ce parterre de combattants. Une scène d’ouverture qu’on espère surréaliste aux yeux des générations nées après cette ère mais plutôt ordinaire à la fin des années 60, un héritage patriarcal dont le concours de Miss Monde est un symptôme suintant.

Plus habituée à travailler pour le petit écran, Philippa Lowthorpe s’attaque sur grand écran cette fois au sujet on ne peut plus actuel du féminisme, de ses batailles et du long chemin qu’il reste à parcourir. À travers diverses trajectoires de femmes, d’un côté les féministes luttant contre le système patriarcal symbolisé ici par la compétition de Miss Monde, de l’autre les parties prenantes, actives ou passives, de ce même système d’oppression, Miss Révolution retrace avec panache cet épisode marquant de l’histoire du Mouvement de libération des femmes où le patriarcat a été chahuté le temps d’un défilé en bikini.

Car, doit-on le rappeler, Miss Monde était en son temps l’émission la plus regardée dans le monde avec pas moins de 100 millions de téléspectateurs rivés devant leur poste. Et au-delà de la vitrine exceptionnelle qu’offrait un tel évènement pour les revendications féministes, cette cérémonie incarnait - et incarne toujours - tous les travers du patriarcat et de la soumission des femmes à ce régime. Avec en toile de fond l’apartheid, qui a obligé cette année-là les organisateurs de la cérémonie à convier deux miss à concourir sous les couleurs de l’Afrique du sud, l’une noire, l’autre blanche, Miss Monde présentait ses participantes comme de vulgaires morceaux de viande. Mesurées, pesées et filmées de haut en bas avec arrêt sur image au niveau du postérieur - un plan incontournable vous en conviendrez -, les jeunes femmes ne faisaient que contribuer inconsciemment à un système régi par et pour les hommes. Et la question posée par Sally, incarnée par Keira Knightley, à un animateur télé de résonner encore plus violemment : «pourquoi les femmes devraient-elles gagner leur place dans ce monde juste grâce à leur apparence? Y êtes-vous contraint, vous?».

Scénarisé par Rebecca Frayn et Gabby Chiappe, le film échappe aux lieux communs attendus. Grâce à des personnages secondaires improbablement drôles et le parti pris humoristique, sans parler de son intérêt éducatif, Miss Révolution évoque le contexte socio-politique d’alors hostile aux femmes sur un ton léger judicieusement dosé. On rit jaune certes, mais on rit face aux blagues sexistes de Bob Hope lancées à une jeune assistante : «vous prendrez un scotch sofa ou gin platonique ?». Ou à la vue de la femme de ce dernier, attendant sagement le retour de son époux un magazine de la parfaite ménagère à la main. On rit aussi un peu jaune car le film est une occasion de plus de constater avec un brin d’amertume que les femmes ont encore bien des batailles à livrer.

30.09.2020

3.5

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