Operation Portugal France 2020 – 91min.
Critique du film
Un humour que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître
Connu pour sa casquette noire à l’envers, ses nombreuses imitations d’accent et son passage au Jamel Comedy Club, D’jal n’est pas le comique français le plus connu, mais c’est un des plus constants. Après une trajectoire stable dans les salles, mais souvent sous le radar des médias, D’jal tente de passer à la vitesse supérieure avec son premier long-métrage en tant qu’acteur principal et réalisé par Frank Cimière : Opération Portugal.
Hakim (D’jal) n’est pas un très bon policier, mais c’est une bonne personne, qui aime sa mère et veut rendre service. Malgré ses états de service peu reluisants, Interpol fait appel à lui pour infiltrer un chantier soupçonné pour être un point de passage pour une importante cargaison de cocaïne, car il ressemble comme deux gouttes d’eau au contremaître. Hakim va devoir se transformer en vrai portugais s'il ne veut pas mettre sa couverture en danger...
Programmatique dès son titre et son affiche, Opération Portugal ne dévie pas d’un pouce des promesses qu’il fait. Au menu donc, humour à la papa légèrement rance et complaisant, mais avec le sourire : cuisine, accent, traditions, tout est moqué, mais avec gentillesse. «Vous êtes bizarres, mais on vous aime bien», une devise que d’autres exemples devenus notoirement nauséabonds (on vous laisse piocher au hasard dans la filmographie récente de Christian Clavier) pour se servir du fameux vivre-ensemble cheat code d’invulnérabilité pour taper à coups de marteaux sur l’Autre - pour ne pas dire l’étranger -, comme si l’affichage de bonnes intentions annulait de fait la possibilité de vexer.
Heureusement, Opération Portugal, même s’il n’est pas exempt de caricatures grossières et de maladresses, esquive la plupart des écueils de ce registre humoristique, et quand bien même l’air du temps n’est pas du tout favorable au fond de commerce en soi qu’entend exploiter Opération Portugal - pour aller vite, appelons ça de l’humour communautaire -, au moins sa démarche est indéniablement bien plus bienveillante à l’égard de son sujet qu’À bras ouverts par exemple. C’est tout bête, mais le simple fait que le personnage principal soit placé en immersion au lieu d’être cantonné à la place de spectateur extérieur observant avec morgue le monde qui l’entoure du haut de son bastion culturel, ou que les Portugais (puisqu’ici il s’agit d’eux) ne soient pas renvoyés à une image et des comportements malveillants permet d’absoudre le film de tout cynisme ou mépris... même si cela ne l’empêche pas de déclarer son amour avec des stéréotypes affectueux certes, mais lourdement moqueurs. On peut mal aimer.
L’éléphant potentiellement raciste dans la pièce ayant été évacué, reste la facture technique d’Opération Portugal, et force est de constater que le film s’avère assez inégal, notamment à cause d’un rythme beaucoup trop lent - ce qui étonne beaucoup compte tenu de l’énergie habituelle de D’jal sur scène, ici obligé d’être en sous-régime - et d’un manque d’ambition humoristique. Tout ici est extrêmement classique, et si l’on sourit de temps en temps, on s’ennuie également de temps en temps, notamment une fois que le décor a été planté et que la vraie infiltration commence. Après 40 minutes et une situation initiale installée avec succès, Opération Portugal rame pour renouveler ses enjeux et ne peut que compter sur ses comédiens investis pour maintenir le rire en vie, notamment les comédiens secondaires. Merci donc à Pierre Azéma et Farida Ouchani.
Alors, à qui plaira le film? Probablement à tout le monde et à personne en même temps, tant le fil rouge humoristique est à la fois trop mince pour tenir la longueur d’un long-métrage, et en même temps suffisamment simple et innocent pour potentiellement arracher au minimum quelques sourires à la plupart des membres d’un public cherchant en premier lieu à se vider la tête, et notamment ceux des communautés concernées.
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement