Petite Solange France 2020 – 86min.
Critique du film
Un regard adolescent
Axelle Ropert signe un quatrième long-métrage tout en délicatesse. Une première apparition au cinéma pour Jade Springer qui, aux côtés de Léa Drucker et Philippe Katerine, se démarque par sa justesse, autant que par son intrigante présence.
(Critique de Cassiane Pfund dans le cadre de la Critics Academy au Festival du Film de Locarno.)
Paris, de nos jours. La famille Maserati – «M-A-S-E-R-A-T-I», comme la voiture, souligne la jeune Solange (Jade Springer) – est au bord de l’implosion. Après 20 ans d’un mariage que l’on devine heureux, Antoine (Philippe Katerine) et Aurélie (Léa Drucker), s’éloignent. Leurs enfants, Solange, 13 ans, et Romain (Grégoire Montana Drammatico), 21 ans, tentent, à leur manière, de traverser cette mauvaise passe. Résolue à ce que ses convictions triomphent de tout, même du désamour, Solange se heurte à une réalité dont elle ne soupçonne la dureté.
«Si le soleil mourrait, l’on devrait attendre environ 8 minutes et 20 secondes pour voir la lumière s’éteindre.» Des décalages, Petite Solange en évoque de nombreux : Antoine rappelle à sa fille qu’il y a «le monde des enfants et le monde des adultes», tandis que Solange croit en une une soi-disant «divergence éternelle entre les hommes et les femmes», et il y a, surtout, les rencontres manquées.
Renforcée par des dialogues succins, voire avortés, la communication lacunaire au sein de la famille confère aux silences répétés le poids des émotions contenues. Les intériorités basculent alors au premier plan tout en conservant leur dimension souterraine et trouble. C’est au travers de l’absence que le naufrage communicationnel dépeint par Axelle Ropert résonne avec le plus de justesse. La figure du père en rend compte avec une vertigineuse passivité, qui, par moment, laisse perplexe au regard de la distance conséquente qu’il instaure avec le monde.
Outre sa prépondérance, la musique participe avec habileté du déploiement de la narration, au risque quelquefois de se superposer aux images avec un excès de littéralité. À regret, cet excès a pour effet de rétrécir la place dévolue à l’accueil d’une large palette d’émotions, ces dernières étant suscitées de façon didactique. Néanmoins, lorsque cette superposition musicale fonctionne, Petite Solange, en plus de résister au mélodrame, offre de beaux moments de cinéma. En contournant avec une pudeur salutaire la classique scène de ménage, le film convainc grâce au choix de son point de vue : c’est le regard adolescent de Solange, non dépourvu d’une certaine opacité, qui rend l’immersion sensible.
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