Il Giardino del Re Italie, Suisse 2021 – 117min.
Critique du film
À la recherche de l’homme sans identité
Une avocate d’une grande multinationale milanaise tente de retrouver l’identité d’un jeune homme, décédé après l’avoir percutée en scooter. Elle s’engage alors dans une enquête qui la pousse à remettre en question son travail, ses relations familiales et son milieu social.
Enquête, question de l’immigration, resurgissement d’anciens traumatismes, autopsie de la société… C’est un récit aux thèmes riches qu’a concocté le réalisateur et scénariste italo-suisse Silvio Soldini avec ce nouveau long-métrage. Prenant d’abord des airs de récit policier, la froideur avec laquelle le metteur en scène filme le milieu aisé de Milan – avec ses décors modernes et fastueux, mais impersonnels – sied tout à fait à l’atmosphère lourde de cette quête d’identité. C’est d’ailleurs ce corps sans nom qui fait office de moteur pour l’intrigue et qui permet d’instaurer différentes thématiques : l’enjeu est de mettre un nom sur cet individu bien sûr, mais il soulève également des sujets de société auxquelles l’avocate Camilla (Kasia Smutniak) va se confronter en s’extirpant petit à petit du monde qui est le sien. Elle découvre alors le sort réservé aux immigrés, fréquente des personnes qu’elle n’aurait sans doute jamais rencontrées et remet en perspective sa vie à leur contact. Le mort inconnu fait finalement rejaillir le passé de Camilla et devient de fil en aiguille l’objet d’une obsession, celle d’enfin trouver la rédemption et de se faire pardonner.
Tant de thématiques aussi riches qu’intéressantes, certes, mais qui constituent toutefois le principal point faible du film. En effet, s’il est appréciable de suivre un scénario qui se renouvelle régulièrement, il s’avère toutefois trop foisonnant. À vouloir traiter de tout, Silvio Soldini n’aborde finalement la plupart de ces intrigues qu’en surface. Peut-être aurait-il fallu se restreindre à quelques thèmes mieux imbriqués entre eux et ainsi éviter des raccords qui s’avèrent quelquefois laborieux, où l’on abandonne un pan entier de l’histoire pour n’y revenir que bien plus tard. Cette écriture boursouflée ne met pas non plus en valeur une histoire qui s’étire parfois inutilement en longueur, peinant à conclure convenablement toutes ses intrigues.
Quoi qu'il en soit, le récit est soutenu par de très bons interprètes, à commencer par Kasia Smutniak qui parvient admirablement à saisir l’ambiguïté de la protagoniste, bourreau de travail, rattrapée par son passé et changeant progressivement son regard sur le monde. Le ton relativement grave et distant de sa performance, mais aussi du film, est tout de même contrebalancé par la présence de Francesco Colella en directeur de morgue au grand cœur. L’alchimie entre les deux personnages principaux apporte une légèreté et un humour tout à fait bienvenus, au fur et à mesure que Camilla retrouve une certaine part d’humanité. C’est sans doute là l’enjeu le plus touchant, celui d’une femme aliénée qui parvient à retrouver goût à la vie et à se reconcentrer sur l’essentiel : sa famille.
Sans vraiment proposer de fulgurances, sinon une séquence de cauchemar distordant un tant soit peu le cadre très terre-à-terre proposé par le film, la mise en scène de Silvio Soldini accompagne adéquatement sa narration, jouant parfois sur les reflets, les regards et les silences. De manière générale, Il Giardino del Re est d’ailleurs très agréable à l’œil grâce à la photographie soignée de Matteo Cocco, tirant le meilleur parti du mariage entre la lumière et les décors. Reste que le film, bien qu’il soit techniquement abouti et servi par une distribution talentueuse, peine à pleinement convaincre en raison de sa narration débordante, certes pertinente, mais malheureusement trop éparpillée.
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