Belfast Royaume-Uni 2021 – 98min.
Critique du film
Nostalgie d'un passé transfiguré
Certainement le film le plus sincère et le plus personnel de Kenneth Branagh ; après ses adaptations d’Agatha Christie, le voilà favori des Oscars avec Belfast, ou l’histoire d’une enfance au pied des murs de la paix, au cœur des violences nord-irlandaises de la fin des années 1960.
Ma mère disait toujours qu’avec l’âge, nous ne nous souvenons que des bonnes choses. Communément appelée la nostalgie, celle-ci joue un rôle important dans Belfast de Kenneth Branagh qui s'inspire ici de son enfance. Une histoire racontée exclusivement du point de vue du jeune Buddy (Jude Hill). La caméra, volontairement basse, permet de restituer le point de vue de l'enfant et Branagh parsème l’écran de grands plans théâtraux, notamment lorsqu’il observe les parents, un peu trop beaux, et ce grand-père, omniscient, qui a une solution à tous les problèmes de Buddy.
Le pasteur au visage rougeaud et la patience à fleur de peau, rappelle que les catholiques ne sont pas les seuls à entretenir le feu de l'enfer. Et lorsque se dégrade la situation politique à Belfast, les raisons complexes de ces troubles religieux échappent naturellement au jeune Buddy. Sa seule préoccupation n’est autre que gagner le cœur d'une jeune fille de son école. Ainsi s’enquière-t-il chaque après-midi de quelques conseils chez Pop, assis sur le couvercle fermé des toilettes comme d’autres se rendraient au confessionnal.
Kenneth Branagh décrit Belfast comme son film le plus personnel, et peut-être que la nostalgie lointaine de son enfance le pousse à idéaliser ses personnages. De Pop au professeur d'école en passant par les parents, tous débordent de charme, de perspicacité et d'autodérision. Les dialogues deviennent alors les perles de ce film, mais sur fond de guerre civile religieuse, personne ne sera dupe, la réalité était certainement tout autre. Et il en va de même pour cette caméra qui plonge la pellicule dans un élégant noir et blanc, lequel appuie le point de vue de l’enfant qui sautille, un peu trop insouciant, dans les rues de Belfast sur la musique de Van Morrison.
Un conflit qui a duré plus de 30 ans, appelé « les Troubles », initié par un mouvement pour les droits civiques pour lutter contre la ségrégation confessionnelle que subissent les catholiques, cette "religion sanglante". Et voilà qu’à force de nostalgie et de perspective un peu naïve, la thématique du conflit manquera d’être réellement abordée. D’ailleurs lorsque l’enfant s’interroge, on lui répond par quelques poncifs sur la tolérance. La famille de Buddy est protestante, tandis que sa bien-aimée est catholique. "Elle pourrait être une antéchrist végétarienne que je m'en moquerais", confesse le grand-père à son protégé. Et pour fuir le réel, la famille se rend au cinéma. Buddy découvre "Tschitti Tschitti Bäng Bäng", et voilà que nous traversent les souvenirs du Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore.
Kenneth Branagh admet avoir été influencé par des films comme Hope and Glory de John Boorman et Au revoir les enfants de Louis Malle, ce qui a conduit ses détracteurs à qualifier Belfast de méli-mélo manipulateur d'idées. La critique était facile. Or la richesse de détails que Branagh donne à son scénario est telle que les souvenirs ne peuvent provenir que du répertoire de l’auteur, à voir aussi, l’authenticité des propos de Pop sur la classe et la condition. Aussi la critique oublie-t-elle parfois à quel point le film fut apprécié par le public lors de la saison des festivals. Et avec ses 7 nominations aux Oscars, Belfast accomplit ce qu’aucun autre film de Branagh n’avait réussi auparavant.
_(Traduit et adapté de l’allemand par Théo Metais)_
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Commentaires
“The Irish boy”
En cet été 1969, Belfast se réveille divisée. Les affrontements entre catholiques et protestants s’embrasent. Cette guerre insensée comme toutes les guerres fratricides, Buddy, neuf ans, et sa famille ne la comprennent pas et refusent de s’y soumettre.
Kenneth Branagh retourne avec nostalgie sur les lieux de son enfance et déclare tout son amour pour sa capitale et ses parents. Le prologue qui enchaîne des vues chatoyantes de la ville aujourd’hui semble sponsorisé par l’office du tourisme local. Au-delà du mur, se trouve le passé, marqué d’un noir et blanc littéralement éblouissant.
Malgré les tensions religieuses, les barricades, les problèmes d’argent et de couple, il est encore permis à Buddy de faire les 400 coups : affronter des dragons avec une épée en bois et un couvercle de poubelle, appartenir à un gang, voler des loukoums ou de la lessive bio dans un magasin, suivre les conseils de ses grands-parents, attendre patiemment son père trop souvent absent et se rapprocher de la plus belle fille de la classe. Mais dans son quotidien, entre gris clairs et gris foncés, ce sont le théâtre et le cinéma qui lui ramènent de la couleur.
Il y a peu, non sans audace, l’effronté Taika Waititi transformait les jeunesses hitlériennes en Jojo Lapin, réussissant à mêler l’imaginaire de l’enfance à la réalité la plus crasse. Dans un élan comparable, Kenneth Branagh tente de relever le défi, sans y parvenir hélas. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose.
Omettant tout point de vue sur le conflit ouvert, il opte pour un regard à hauteur de son petit héros. A coups de contre-plongées et de vues aériennes, ses choix grandiloquents de mise en scène étouffent. Ses tubes musicaux, néanmoins sympathiques, ont un aspect juke-box. Les dialogues très écrits manquent beaucoup de naturel, tout comme Buddy – Jude Hill –, certainement plus à sa place sur une scène de West End. A l’écran, rien ne s’incarne véritablement et l’ensemble sonne faux. La joliesse s’affiche sur des notes doucereuses préférant au final l’artifice à un élan émotionnel plus pur et spontané.
(5.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 2 ans
Kenneth Branagh s'est inspiré de son propre vécu pour faire ce film. C'est touchant, émouvant et sincère. Le N/B m'a vraiment fait plongé dans l'histoire qui se situe au début des années 70. Mais attention ce film n'est pas un film de guerre, c'est un film sur l'amour d'une famille, l'amour d'une ville et l'incompréhension d'une famille devant quitter l'Irlande du Nord pour échapper à la guerre des religions. Judi Dench y est merveilleuse, Caitriona Balfe magnifique et le jeune Jude Hill est prometteur. (G-11.03.22)… Voir plus
3.75: Objectif Lune
1969, Belfast: les protestants veulent bouter les catholiques de la ville. Buddy, 9 ans, est d’une famille protestante... et tolérante. Comment vivre cette tension lorsque son père envisage de construire une nouvelle vie familiale en Angleterre et que les femmes de sa famille n’ont pas l’intention de quitter la terre nord-irlandaise?
La voici cette chronique de Branagh sur ses origines abondamment nominée aux Oscars. Je redoutais une tension extrême historique, le résultat est plutôt contrasté mais efficace.
La première séquence semble annoncer la couleur, alors que cette dernière est justement absente : une véritable guérilla urbaine et une guerre de religions. Puis le passage à la vision familiale et au devoir de chaque membre s’avère un peu longuet sur son premier tiers. Mais lorsque l’aspect familial et ses choix prennent le dessus sur l’Histoire (bien que fiction ici), on se retrouve embarqué par un jubilatoire relâchement provoquant un puissant sourire souvent ironique et faisant un bien fou.
Les aléas de la vie, entre choix de survie professionnelle et aléas de la vieillesse nous émeuvent, grâce notamment à une formidable interprétation de Judi Dench et Caitriona Balfe, et le regard témoin malgré lui du jeune Jude Hill très prometteur. Sans oublier la photographie impressionnante et une magnifique bande-son de Van Morrisson et le génial message final qu’il n’est pas nécessaire de quitter notre planète pour voir la Lune, et qu’on peut s’y sentir à l’aise et cohabiter.
Belle expérience à recommander… Voir plus
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