Chaos Walking Etats-Unis 2019 – 109min.

Critique du film

La tête hurlante

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Imaginez un monde où vos pensées hurleraient à voix haute tout ce qui vous passe par la tête, ajoutez un lavage de cerveau massif et une conception séparatiste de la société ou les hommes règnent en clan, et sans doute nous approcheriez-vous d’une certaine idée du chaos. Voici le pitch de cette fable réalisée par Doug Liman avec Tom Holland et Daisy Ridley. Servi dans un écrin joliment dystopique, le film adapté de la saga littéraire n’aura aucun mal à rencontrer son public.

Sur les terres du «Nouveau Monde», le jeune Todd (Tom Holland) vit reclus parmi les hommes du clan du maire Prentiss (Mads Mikkelsen). Un monde où les femmes ont disparu il y a des lustres, nous dit-on, et où les hommes sont hantés par “Le Bruit”. Désormais, tous ont la capacité d'entendre les pensées de leurs semblables. D’aucuns sombrent dans la folie, d’autres ont plus de maitrise. L’ordre établi sera bouleversé par l’arrivée de Viola (Daisy Ridley), une jeune fille dont le vaisseau s'est écrasé sur cette étrange planète. Son arrivée met en péril les vérités proférées par le maire. Dès lors la vie de Viola est menacée et Todd se charge de la protéger, la promesse d’une épopée romanesque aux confins de cette mystérieuse planète.

Le moins que l’on puisse dire c’est que Chaos Walking s’est fait attendre. Adapté de la trilogie littéraire de l’écrivain américain Patrick Ness, Lionsgate faisait l’acquisition des droits en 2012, Charlie Kaufman («I’m Thinking of Ending Things») écrira une première version du scénario avant de quitter le navire. Un temps Robert Zemeckis sera pressenti pour la réalisation et gentiment un casting se profile à l’horizon 2016. Oui, mais pris dans la volte de Star Wars et Superman, notre duo de tête est bien occupé. Le tournage prend du retard et passera, comme tant d’autres, par la case reshoot; saupoudrez le tout d’une aimable pandémie et Chaos Walking trouve le chemin des salles quasiment 10 ans après l’acquisition initiale des droits.

Tom Holland et Daisy Ridley s’accompagnent d’un casting épique ou Mads Mikkelsen donnera la réplique à Cynthia Erivo, Demián Bichir ou encore Nick Jonas. Une distribution ultra cinéphile aux accents teen movie et Chaos Walking s’ouvre sous les meilleurs auspices. Mais dans ce monde où les femmes ont disparu, on découvre alors une écriture extrêmement genrée, datée presque, et des lignes de dialogues surprenantes. Tom Holland incarne le dindon d’une farce initiée par un maire ultra autoritaire et ses partisans et l’arrivée de Viola sur les terres 100% mâle alpha du «Nouveau Monde» nous rappelle l’atterrissage de Sigourney Weaver sur la planète-prison dans Alien 3. Si Chaos Walking marche dans les pas d’une science-fiction magistrale, son efficacité est tardive et s’offrira aux spectateurs les plus patients.

Il faudra en effet accepter la lente et fade mise en place, et les curieux costumes d’un genre DeadMan croisés à une parodie du Met-Gala, pour finalement comprendre ce qui se trame dans l’esprit de l’écrivain et scénariste Patrick Ness. Finalement le périple de Viola et Todd offre une réflexion sous-jacente sur la masculinité, la cohabitation entre les terriens et les créatures endémiques au «Nouveau Monde» esquisse une histoire de la colonisation et une fable écologique. Le plus passionnant restera sans doute cette idée du «Bruit», là où plus rien ne vous protège de vos émotions lorsqu’elles sont inlassablement projetées dans un flux d'images, de mots et de sons. Chaos Walking redessine les pourtours du langage, un matériau déjà présent dans les ouvrages de l’auteur, or le passage à l’écran n’offre aucunement le vertige escompté.

Il reste les vertus évidentes d’un casting attachant, personne n’y brille, mais l'aura de son duo est imbattable. Jamais le film ne réinventera le genre. Pour sa lenteur, ses lignes de dialogues et ses choix narratifs, Chaos Walking ne laissera pas son audience indifférente, et après une décennie périlleuse de (ré)écriture, de production et de (re)tournage, le métrage peut enfin bénéficier d'une sortie en salle bien méritée.

02.08.2021

2.5

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