Eiffel France 2021 – 108min.

Critique du film

Une tour pour les cieux et pour le cœur

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Gustave Eiffel, le constructeur éternel. Dans la peau de l’ingénieur derrière la tour qui porte son nom, Romain Duris campe un homme au sommet de son art, le cœur atrophié par la délicatesse des amours passés.

Sa collaboration tout juste terminée sur la Statue de la Liberté, Gustave Eiffel cède aux sirènes du gouvernement français, souhaitant qu’il fasse un monument spectaculaire pour l’Exposition Universelle de 1899 à Paris. Mais pour le génial ingénieur, il n’a que le projet de métropolitain en tête. Après avoir repris contact avec un ancien ami, Antoine Restac (Pierre Deladonchamps), il rencontre la femme de ce dernier, la belle Adrienne (Emma Mackey) qui n’est autre que son amour de jeunesse. Une passion amoureuse dévorante qui l’inspirera et fera changer l’horizon parisien à jamais.

Chaque année, des millions de touristes viennent apprécier l’immensité de cette tour : 300 mètres de haut, une prouesse d’acier et… des poussières d’un amour envolé. En 1899, l’ingénieur Eiffel, fait citoyen d’honneur des États-Unis pour sa collaboration sur la Statue de la Liberté est un forçat du travail. Son talent est convoité par le gouvernement français et son souhait de faire une tour qui changera à jamais la face de Paris dissimulera une déception. Ces 300 mètres de haut seront le détonateur, la composante forte et intense de la genèse d’un chef-d’œuvre d’acier.

Gustave Eiffel se laisse porter par ses sentiments, préfère s’effacer, mais hausse le ton quand il faut défendre ses désirs de grandeur. Le caractère et la main ferme, le bâtisseur souhaite gratter le ciel, s’élever vers les cieux, toujours plus haut, pour combler un vide. « Eiffel » convoque les affres du désespoir amoureux; une âme en peine et un cœur qui ne bat que pour Adrienne. Son obsession le poussera à signer son œuvre d’un « A », qui trônera pour l’éternité dans l’horizon de la capitale.

Si Martin Bourboulon (« Papa ou Maman » (2015) et qui vient de lancer le tournage des « Trois Mousquetaires ») s’applique à consacrer un biopic très soigné, bien aidé par une belle photographie et une bande-son soyeuse d’Alexandre Desplat. Peut-être manque-t-il un vertige - cocasse quand le sujet est la construction d’une tour gigantesque. Dans un Paris à l’ère industrielle, l’amour constitue la pierre angulaire, la construction comme guérison; « Eiffel » est comme son monument : solide.

Mais à trop barricader, à trop vouloir rester dans le biopic (un peu) formaté, Martin Bourboulon n’élève pas son récit. Un scénario qui exprime la modernité et l’obsession, mais s’enlise dans une romance manquant d’un poil de chimie entre Romain Duris et Emma Mackey. Et ce même si l’acteur français et l’actrice franco-anglaise sont intéressants, élégants, parfois poétiques et souvent sensuels. Mais il manque ce soupçon d’intensité, cette flamme ardente. Cette intensité nous vient de Pierre Deladonchamps, l’animosité lui habitant le regard. 

« Eiffel », une histoire d’amour et d’ambition, qui souffre d’un rythme sur courant alternatif. Toujours est-il qu’il fait du bien et préface le retour du cinéma français en costume et à gros budget - en attendant le sublime Illusions perdues de Xavier Giannoli.

13.10.2021

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 3 ans

“La tour, prends garde !”

Encouragé par le gouvernement à construire une œuvre marquante pour l’Exposition universelle de Paris de 1889, Gustave Eiffel hésite et doute. Lors d’un dîner officiel, il retrouve malgré lui celle qu’il désira jadis, aujourd’hui mariée à un ancien ami.

On connaissait la légende qui faisait de la Dame de fer une jambe gainée d’un bas résille supporté par les attaches du porte-jarretelles. Bien plus romantique, le film préfère l’imaginer figurant un A comme dans Amour. Une approche audacieuse qui prend sans s’en cacher des libertés avec les faits historiques. Hélas, le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. Malgré l’énergie de Romain Duris et le français parfait d’Emma Mackey, dont la présence inattendue, entre deux cours d’éducation sexuelle pour Netflix, épice quelque peu l’entreprise, le côté vaudevillesque du mari, de la femme et de l’amant ennuie davantage qu’il n’émeut. Plutôt que de voir Gustave jouer aux chaises musicales, on préfère quand l’ingénieur est au travail, entre création et ferraille, affrontant les revendications des politiques et des ouvriers, les attaques du peuple et de la presse, sans se décourager. Des séquences bien rares malheureusement.

Le projet laborieux de Martin Bourboulon se voulait monumental, évitant le biopic classique et privilégiant le romanesque. S’il y a des larmes, il lui manque de la sueur, de la modernité, du vertige. Inspiré peut-être par Titanic de James Cameron, son hommage calibré à la Tour de France finit par prendre l’eau, et c’est la scène la plus intéressante du film.

(5.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 ans


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