La petite bande France 2021 – 108min.
Critique du film
Quand les souvenirs d’enfance se mettent au vert
Escarpé dans la montagne, un petit village corse voit sa rivière polluée par une usine. Une brigade de collégiens décide de monter une opération spéciale dans le but de la détruire. La conspiration tourne au fiasco : il va falloir ruser d’intelligence pour échapper à la traque des adultes.
Après un exposé à l’école, deux collégiens s’engagent au nom de la planète. La rivière qui traverse la forêt adjacente à leur habitation leur est interdite. Il est défendu de gambader dans cette zone, polluée par l’usine Chambon. Fouad (Mathys Clodion-Gines), Cat (Colombe Schmidt), Sami (Redwan Swllam) et Antoine (Aymé Medeville) se rebellent. Ils mettent en place un commando afin de faire exploser l’installation industrielle dans la nuit. Mais les choses ne se passent pas comme prévu?: le directeur (Laurent Capelluto) se trouve dans le bâtiment. Le groupe de pré-adolescent ne parvient pas à se mettre d’accord sur les décisions à prendre. Et s’il fallait un cinquième élément pour chercher une issue??
Pour son septième long métrage, Pierre Salvadori (Dans la cour 2014, En liberté 2018,) s’engouffre dans une madeleine de Proust cinématographique : le film d’enfance. La petite bande ravivera les plus tendres souvenirs d’une génération biberonnée au Petit Nicolas et qui garde, dans un coin de sa tête, une certaine fascination et une nostalgie de la Nouvelle Vague (Les quatre Cents Coups 1959). Clin d’œil supplémentaire pour les cinéphiles aguerris, le film emprunte son titre à l’œuvre de Michel Deville dans lequel de jeunes Britanniques traversaient la manche pour sillonner les zones rurales françaises.
Dans la comédie de Pierre Salvadori, le tournage se fait dans un cadre champêtre. Les maisons sont en pierre et le chant des cigales fait office de bruit de fond. Quant au récit, il est narré par un collégien attendrissant (Paul Belhoste). De plus, le scénario s’inscrit dans l’actualité, à savoir la préoccupation des jeunes pour les enjeux climatiques. Tout semblait donc réuni pour déclencher la mélancolie du spectateur adulte, mais aussi l’amusement chez les plus jeunes.
Le contrat est rempli pour une bonne partie du film. Un soin très particulier est apporté aux prises de vue. Dans la forêt par exemple, les plans sont parfois dénués de musique, ce qui consolide l’entrée dans une atmosphère bucolique. Sentiment renforcé par les nombreux travellings accompagnant les pérégrinations des enfants à bicyclette. Les perspectives alimentent les ressorts comiques, comme lors de la première phase du projet. Le groupe s’en va remplir un kayak gonflable avec du diesel afin de le faire exploser dans l’usine. Frénésie et vitesse, insouciance et naïveté. Tous les paramètres semblent donc se coordonner pour propulser cette comédie comme le nouveau classique du genre.
Cette entrée dans la fiction est malheureusement entachée par le traitement d’une thématique. Aimée, le garçon qui rejoindra l’association de révolutionnaires, est victime de moqueries et est souvent passé à tabac par ses camarades de classe. Il a le profil tout désigné pour l’être : maigrichon, roux et intelligent. Intégrer une organisation secrète est donc une aubaine pour lui. Si l’histoire de ce « déclassé » est une belle revanche sur la vie, le traitement cinématographique contribue à moquer le harcèlement. Pire, ces scènes sont considérées comme des situations d’amusement et placent le spectateur dans une position malaisante. Ce qui était toléré naguère ne l’est plus aujourd’hui. Un choix difficile à comprendre, tant Pierre Salvadori et Benoît Graffin se sont donné la peine de diversifier les origines et les conditions sociales des protagonistes. La distribution fonctionne d’ailleurs en synergie, assez rare pour de si jeunes acteurs.
La petite bande renoue avec la tradition des films d’enfance. Il nous plonge dans l’univers féerique de tous les possibles, là où les souvenirs apparaissent dans leur vraie nature, rabibochés au fil des années. La nostalgie, malgré sa douce assurance, comporte tout de même quelques pétales fanés.
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Commentaires
“La rivière de notre enfance”
Alors qu’il est en train de se noyer, Aimé raconte ses mésaventures. Tout a commencé le jour où ses camarades Cat, Fouad, Antoine et Sami ont voulu faire sauter l’usine qui pollue l’eau de la rivière.
Pierre « Salade de ri » retourne en enfance et ce dès le générique initial plein de « fôtes dortograf » amusantes. Son film de bande s’inspire des classiques américains Stand by me ou It, plutôt que du Club des cinq. S’y retrouvent les aventures forestières, les premiers émois, la violence qu’elle vienne d’en haut ou du préau, ainsi que la force de l’union : « On peut mourir de peur, de chagrin, mais aussi de solitude », soutient le souffre-douleur Aimé, si mal nommé. L’ennemi déclaré n’est pas un clown cauchemardesque mais, conscience écologique oblige, l’industriel qui dénature la région.
On suit volontiers le réalisateur et scénariste quand il remplit un canoë d’essence ou cache les visages de ses jeunes comédiens à l’interprétation parfois fragile avec des masques d’animaux faits de mousses et autres végétaux. Une évocation du conte et du fantastique qu’il aurait pu davantage exploiter. Le récit, par contre, manque d’idées et de réalisme. Les justiciers verts veulent sauver la rivière quitte à mettre le feu au maquis asséché. Quant aux rôles accordés aux adultes, il laisse perplexe : parents passifs, effacés, brutaux, alcooliques ou en prison alourdissent l’environnement. Le grand vilain, pauvre Laurent Capelluto, tombe vite dans des extrêmes ridicules. Sa chute finale sous l’œil très fier des castors junior est néanmoins choquante. Les enfants sont si cruels parfois.
(5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 2 ans
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