Lingui, les liens sacrés Belgique, Tchad, France, Allemagne 2021 – 87min.
Critique du film
Tout pour ma fille
En juillet dernier, le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun présentait son nouveau film, Lingui, les liens sacrés, au Festival de Cannes. Dans son long-métrage, une jeune femme de 15 ans, tombée enceinte, se décide à avorter. Une situation loin d’être aussi simple dans le vibrant Tchad contemporain. Une histoire rude qui explore les liens parfois complexes, mais toujours sincères, entre une mère et sa fille.
Un quartier de N'DjAmena, capitale du Tchad. La honte d’une grossesse non désirée dans sa jeunesse a transformé les journées d'Amina (Achouackh Abakar Souleymane) en lutte permanente d’acceptation par la société. Aujourd'hui, elle élève seule sa fille, Maria (Rihane Khalil Alio). Et à à peine 15 ans, c’est à son tour de tomber enceinte. Mais voilà, contrairement à sa mère, Maria décide de ne pas garder l’enfant, or la loi interdit l’avortement. Craignant pour son bien-être, Amina rejette d’abord la nouvelle. Elle finira pourtant par accepter et soutenir la décision de son enfant. Et mère et fille de se lancer alors dans une quête incertaine au goût amer.
Installé en France depuis de nombreuses décennies, le réalisateur Mahamat-Saleh Haroun jette un regard féminin sur la réalité du pays qui l’a vu naître. Ces femmes opprimées, leurs histoires, nous donnent à réfléchir quant à leurs rôles dans la société, tchadienne et mondiale. Malgré une marge de manœuvre qui peut sembler limitée, le récit met en lumière, au fil de l'histoire, leur véritable force. Amina, sous-estimée par la société, étonne par son extraordinaire résistance et sa robustesse unique. Observer ses interactions avec les personnages qui l’entourent en est passionnant.
Les obstacles qui se dressent sur son chemin ne peuvent rien contre sa détermination; la détermination d’une mère prête à tout pour venir en aide à sa fille. La relation entre les deux protagonistes se transforme, évolue au fil des mésaventures. Les dialogues se font rares, Mahamat-Saleh Haroun se concentre sur le langage corporel, sur les regards ; des petits gestes qui en disent long. Dans ces silences, le réalisateur nous donne à explorer les paysages environnants du quartier d’Amina et Maria. La scénographie prend toute son importance, imposant au film un rythme lent, tout en retenue. L’action semble s’étirer, mais dévoile une vision attendrissante de cette force maternelle.
Avec de rares dialogues et un développement posé, le neuvième long métrage de Mahamat-Saleh Haroun nous offre à admirer un bout d’Afrique, loin des fantasmes et des idées préconçues. Une Afrique féminine; le combat quotidien d’une mère, rythmé par le poids de la société. Une idée si universelle, pour une nouvelle conversation sur le droit des femmes. Le cinéma tchadien a de beaux jours devant lui.
(Adapté de l’allemand par Maxime Maynard)
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement