Momentum Suisse 2021 – 64min.
Critique du film
Un été de deuil et de solitude
Servi par une photographie lumineuse, «Momentum», premier long-métrage du jeune réalisateur jurassien Edwin Charmillot, montre, parfois avec intelligence, parfois avec maladresse, la difficulté de faire le deuil d’un être cher. Malgré quelques imperfections qui le gardent à terre, lui qui ne demande qu’à s’envoler, à rejoindre le ciel (en atteste le plan qui le conclue) on sait gré au film d’éviter de sombrer dans un pathos agaçant, souvent caractéristique de ce cinéma dit de l’intime.
Emma est une adolescente de seize ans qui vit avec son père. Depuis la disparition de sa mère, l’été qui précède celui que l’on traverse au sein du film, leur cohabitation semble compliquée, continuellement empêchée par une distance qu’ils peinent à résorber. Quand Tom, un jeune homme à peine plus âgé qu’elle, revient au village, Emma semble trouver dans sa présence un précieux échappatoire.
Ce qu’il faut dire d’emblée – tant ce geste apparaît distinctement comme la signature esthétique de son auteur –, c’est que «Momentum» repose entièrement sur un art de la rétention. Mais la rétention, ici, consiste moins à dépouiller le récit de toute fioriture – le film ne dure que soixante-trois minutes – qu’elle s’efforce de maintenir le difficile équilibre entre ce que l’on dévoile au monde et ce que l’on garde pour soi. D’où ces nombreuses scènes où Emma s’isole dans sa chambre, que ce soit pour épouser le poids de sa solitude ou s’effondrer lorsque le barrage émotionnel finit par céder.
Ainsi, Emma semble se donner comme le reflet du cinéaste tant, lui aussi, apparaît en difficulté lorsqu’il s’agit de réunir ses personnages sous le signe du deuil. Nul hasard, dès lors, que les scènes les moins inspirées soient celle où père et fille se rejoignent sous les cris et les portent qui tapent, et celle où Tom et Emma se confient l’un à l’autre sur leur deuil respectif. C’est que, d’une certaine façon, Edwin Charmillot s’avère très malickien : la colère sourde toujours davantage lorsqu’elle est contenue par le silence. Lorsque l’implosion se fait écran à l’explosion.
L’influence du réalisateur de «The Tree of Life» irradie d’ailleurs «Momentum», à tel point que la personnalité du jeune cinéaste se dissout par moments dans celle de son modèle. Les traces de cette filiation s’observent surtout dans le découpage du film : en plus de son rythme lent – ce commentaire n’a nullement valeur de réserve –, Charmillot aime à filmer la nature et à enregistrer sa matière sonore (oiseaux, criquets). Le problème, ici, réside dans la volonté d’attribuer à ces plans une dimension métaphysique trop lourde pour les épaules de ce petit film « Tu crois aux fantômes, toi ? » s’enquiert Emma auprès de Tom (sans compter un plan de détail sur un crucifix qui exprime explicitement cette ambition mystique).
Le geste tient lieu davantage de la maladresse qu’il n’est le signe d’un film raté. À cet égard, il faut saluer le travail effectué sur le montage, dont la structure décousue traduit le choc traumatique vécu par Emma : perméable aux fantômes du passé – la linéarité du découpage est souvent interrompue par la mise en images de certains souvenirs difficiles –, le montage exploite avec finesse la véritable tragédie produite par l’accident de sa mère : créer des images qui reviennent incessamment, retour inlassable du refoulé.
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