Revoir Paris France 2021 – 105min.
Critique du film
La vie d’après
Attablée dans une brasserie parisienne, Mia (Virginie Efira) est victime d’un attentat meurtrier. Après s’être éloignée de la capitale pendant 3 mois, elle tente de se raccrocher à sa vie d’avant.
À quelques mois d’écart de leur sortie en salle, les longs-métrages Revoir Paris et Novembre font tous deux références aux attentats du 13 novembre 2015. Si les extraits du dernier engagent le récit dans une traque aux terroristes haletante sous forme de reconstitution, la proposition d’Alice Winocour se concentre sur un angle mort : les survivants et leur trauma. L’ensemble est réaliste ; les attaques coordonnées ciblent des restaurants ou encore la Place de la République qui, érigée en lieu de recueillement, rappelle la tragédie. Mais le récit trace un chemin parallèle aux faits, préférant la vraisemblance au réel. Et pour cause, malgré une entrée en matière angoissante – l’attentat est imminent – l’aspect spectaculaire et voyeuriste de l’acte terroriste est rapidement évacué. C’est que Revoir Paris n’a rien d’un thriller. Il se construit en opposition à Le 15h17 pour Paris (2018), qui faisait de la tentative avortée de la tuerie dans le Thalys le point culminant du film. Au bout des dix premières minutes, le suspense est déjà accessoire. La solitude et la confrontation aux blessures béantes surgissent.
Le public se retrouve confronté aux difficultés du quotidien de Mia : le crépitement d’un feu de bengale sur un gâteau d’anniversaire ou la démarche d’une passante lui ramènent en mémoire cette nuit d’horreur. À cela, s’ajoute une indisposition pour la foule qui la pousse, un soir, à se réfugier avec son chat dans la salle de bain. De son côté, son conjoint Vincent (Grégoire Colin) tente en vain de lui faire reprendre leur vie d’avant. Mais rien n'y fait, jusqu’au matin où Mia se décide : elle pousse la porte de l’Étoile d’or, là où en quelques heures, sa vie a basculé.
Nous découvrons alors l’envers d’un décor peu dépeint dans les médias. Celui d’une association qui occupe les lieux du drame chaque lundi matin. Une manière pour les victimes de renouer avec les événements, mais aussi d’échanger. Mia découvre alors qu’elle n’est pas la seule à chercher des réponses : une jeune fille qui a perdu ses parents est venue retracer leur voyage auquel elle aurait dû participer, une femme semble reconnaître Mia et l’accuse de s’être enfermée dans les toilettes. Le processus que décrit Revoir Paris est bien celui d’une quête introspective, dont la réalisatrice retranscrit les impasses et les espoirs. Et pour cause, le frère d’Alice Winocour était au Bataclan le 13 novembre. La consistance des dialogues sonne juste et l’épopée de Mia, dans le Paris des beaux quartiers et des logements sociaux de la périphérie, rappelle que l’ensemble de la Capitale a pris un autre visage depuis les attentats.
L’ensemble est interprété par une Virginie Efira brillante qui donne la réplique à son alter ego Thomas (Benoît Magimel), colosse à la gueule cassée. Le duo met en exergue le courage et la volonté de destins à jamais disloqués, mais dont la reconstruction permet d’insuffler un nouvel élan à l’existence.
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Commentaires
« Réparer les vivants »
Un soir de pluie, Mia s’arrête dans une brasserie parisienne, le temps de laisser passer l’orage. Des terroristes envahissent le lieu et tirent dans la foule.
Il y a ces deux amies asiatiques hilares photographiant les escargots qui comblent leur assiette. Ces Espagnoles pomponnées au sortir des toilettes. Thomas soufflant bruyamment quelques bougies. Et ce couple d’à côté qui, en partant, s’effondrera devant elle. Ce qui s’est passé après, sa mémoire l’a effacé.
Il faut se souvenir pour se reconstruire. Ramasser les morceaux de cette soirée traumatique comme ce verre cassé au début du film. Retourner sur les lieux. Parler à d’autres rescapés. Retrouver ceux qui l’ont aidé. Mia mène l’enquête. Au risque de découvrir que l’héroïsme n’est pas donné à tous ou de laisser derrière elle ceux qui ne peuvent pas comprendre. Pour les proches, il y a aussi ce besoin de voir ce qu’ils ont vu, d’entendre ce qu’ils ont dit, de ressentir ce qu’ils ont ressenti avant de disparaître.
Sur une musique envoûtante, le chœur dirigé par la digne Virginie Efira joue les impressionnistes. Les témoins se succèdent et composent les pièces uniques d’une même tragédie. Trop scénarisés parfois, leurs élans n’empêchent pas l’émotion. Les coupables sont laissés dans l’ombre, car ce qui importe ce sont les mains qui se tendent et se serrent. Au-delà des cicatrices qui ne guériront peut-être jamais, c’est l’étreinte solidaire qui réparera les vivants.
(7/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 2 ans
4.5: Proximité des souvenirs
Mia, traductrice franco-russe fait partie des clients d’un restaurant quand ce dernier est la cible d’une attaque terroriste, perpétrée en marge du Bataclan. Amnésique de cette heure et demie et parmi les survivants, la rencontre avec Thomas, un autre rescapé devenu paraplégique va l’aider à se rappeler des événements de cette triste soirée et d’espérer retrouver un employé de cuisine également réfugié au même endroit qu’elle pendant l’assaut.
Le voici donc ce témoignage choc d’une épouvantable soirée où un stade de foot, une salle de spectacle et un restaurant allaient vivre l’enfer. L’occasion après ce voyage spatiale d’une autre expédition plus forte : recouvrer la mémoire. Une expérience forte.
Alors que le procès est sur le point de s’ouvrir, évoquer cet épisode sombre que j’ai vécu depuis mon poste sans alors me douter de la signification du bruit de ce « pétard » entendu depuis le stade de France, pouvait s’avérer une expérience traumatisante, il en ressort une thérapie brillante, destinée tant aux victimes et proches de ce soir funeste qu’à toutes celles et ceux ayant également éprouvé de la colère et de la haine sans avoir de la compassion immédiate pour les victimes.
Et c’est sur ce point que l’expérience s’avère pour moi encore plus forte que cette mère perdue dans l’espace séparée de ses proches: le chemin de Mia pour retrouver le déroulé de cette attaque va bouleverser, non pas spontanément par de l’émotion gratuite mais bien sur un plan humain où la performance de Virginie Efira mais surtout de son ange gardien indirect, ainsi que l’excellent travail sonore où hallucinations et souvenirs côtoient le présent vont vous marquer.
Je déconseille toutefois l’expérience si vous avez vécu ces situations mais la recommande vivement à tous les autres...… Voir plus
Virginie Efira, quelle grande actrice ! Il suffit de regarder sa filmographie pour s'en rendre compte. Toujours crédible et avec Revoir Paris elle est à nouveau magistrale. Dans le rôle de Mia, elle est Mia et elle m'a ému au plus haut point. Pour ça il faut également un talent d'écriture et les scénaristes et la réalisatrice ont pour moi totalement réussi. Bravo pour un sujet pas du tout facile à traiter. En salle j'ai été bouleversé une nouvelle fois par cet acte barbare perpétré à Paris. (G-11.09.22)… Voir plus
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