The Bubble Suisse 2021 – 92min.
Critique du film
Make retirement great again
Présenté en sélection officielle de la 52ème édition du Festival Visions du Réel, «The Bubble» nous emmène à la rencontre de The Village et ses habitants, dans les arcanes de ces nouvelles agglomérations aux États-Unis, les nouveaux paradis urbains pour toute une génération de seniors à la retraite qui entendent bien couler des jours heureux sous le soleil de Floride.
Dans les années 80, The Village n’était encore que la modeste propriété d’une famille qui proposait un terrain pour des seniors vagabonds. Aujourd’hui, l'entreprise est autrement plus titanesque et rachète à tour de bras les terrains de Floride pour étendre les trottoirs d’un autre rêve américain pour la classe moyenne blanche: celui de la fin de vie sous le soleil. Déréglant au passage les écosystèmes environnants, l’entreprise immobilière a construit un empire grand comme deux Manhattan, où les golfs s’étendent à perte de vue, là où l'âge n’importe plus, les obligations sociétales sont laissées au placard, bref la promesse d’une renaissance à la retraite après des années de labeur. C’est qu’il fait bon vivre sous le soleil...
«Welcome to Florida’s Friendliest Hometown» lira-t-on et tenez-vous bien, 150 000 habitants peuplent ce paradis ensoleillé de 32 000 m2. The Village dénombre pas moins de 54 golfs, 70 piscines, d’innombrables clubs, restaurants, cinémas, et un service de presse interne, une télévision et une radio affiliée à Fox-News qui diffusent une actualité savamment sélectionnée 24 h/ 24 h. Un cocon immaculé aux couleurs pastel où tout le monde sourit comme dans une satire burtonienne, berceau d’un électorat républicain qui s’est échiné toute sa vie durant afin de s’offrir un brin de tranquillité vers la fin; d’aucuns l’appellent The Village, d’autres The Bubble, la réalisatrice Valerie Blankenbyl nous plonge de l’autre côté du miroir.
Le documentaire nous emmène à la rencontre de ses habitants, charmants pour la plupart, touchants même, et aux motivations finalement universelles quand il s’agit d’échapper au diktat du temps, de l’âge, du culte de la jeunesse et des maisons de retraite. Une ancienne chanteuse folk nous offrira même une drôle de petite ballade à la guitare, "Honey, I just don’t look good naked anymore”, et finalement The Village propose une version très américanisée d’un duel ancestral entre l’humanité et le temps qui inlassablement nous plonge au chaud de la terre.
Alors la famille d’Harold Schwarz a construit un monde à l’image de ces seniors, une bulle de la classe moyenne où ne se côtoient que des semblables, si puissante que doucement elle s’organise comme un microcosme blanc autogouverné. Un impact environnemental considérable, appauvrissement de la faune et de la flore locale, épuisement des nappes phréatiques et l’émergence d’une force électorale républicaine puissante qui paradait en fanfare pour la réélection de Trump en 2020, le village n’a finalement rien d’une bourgade innocente de province.
Un sujet percutant et finalement très cinégénique porté par la cinématographie de Joe Berger et un montage humoristique signé Nela Märki. Le documentaire de Valerie Blankenbyl donne aussi la parole à celles et ceux, qui, sous la pression du Village, se retrouvent quasi contraints de céder leurs terres, et qui militent pour une plus stricte réglementation du développement de ces nouvelles zones urbaines. Présenté en sélection officielle du festival Visions du Réel, «The Bubble» est certainement l’une perle rare dans l’univers si complexe du documentaire. Pour son humanité, pour sa force critique et sa capacité à contrebalancer les étoiles contraires, «The Bubble» s’interpréterait presque comme une satire du capitalisme moderne. Une excellente surprise!
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