Decision to Leave Corée du Sud 2022 – 140min.

Critique du film

L'amour rend aveugle

Critique du film: Teresa Vena

Un homme n'arrive plus à penser clairement et compromet son travail, son mariage. La cause ? Une belle et mystérieuse jeune femme. Voilà l’entame du thriller du cinéaste sud-coréen Park Chan-wook, connu notamment pour son film Oldboy.

Le corps d'un homme est retrouvé au pied d'une montagne : accident, suicide ou meurtre ? L'officier de la police judiciaire Hae-jun (Park Hae-il) mène l'enquête et retrouve la veuve de la victime, Seo-rae (Tang Wei). Immédiatement fasciné par cette séduisante et élégante jeune femme, il s'efforce de rester professionnel, mais bientôt une tension érotique vient troubler ses sens.

Cinéaste sud-coréen acclamé, Park Chan-wook, qui avait récemment attiré l'attention en 2016 avec son thriller érotico-historique The Handmaiden, revient avec une nouvelle histoire criminelle à la narration complexe. Un scénario qui manquera d’être complètement original, mais Decision to leave, est surtout un prétexte pour parler de l'attirance particulière entre ses deux protagonistes. Des émotions perceptibles dans les regards implorants, les petits gestes et les nombreux espaces de vide. Des désirs qui se libèrent à demi-mots, en silence, leurs souhaits et leurs incertitudes aussi.

Une esthétique singulière qui compense une intrigue un peu légère. En effet, «Decision to leave» révèle des plans précis et une cinglante composition. Park Chan-wook signe une expérience sensorielle portée par l'uniformité des couleurs, dominée par des tons de bleus et bruns saturés, et un environnement sonore suggestif. Un film dont l’expressionnisme du visuel sera capable de marquer les esprits, on pense notamment à l’eau de cette piscine qui se colore du sang d'un cadavre.

Un thriller policier qui parfois se perd dans les méandres de sa narration. Mais les expressions et le charisme de ses deux acteurs (Park Hae-il et Tang Wei) impressionnent. Le duo incarne en effet, et de manière crédible, la tension (érotique) au cœur du métrage. Et contrairement à ses œuvres précédentes, le réalisateur sud-coréen se montre plutôt prude et globalement réservé en ce qui concerne la représentation de la violence. Cette année à Cannes, Park Chan-wook a réveillé nos sens et dévoilé un langage visuel et artistique des plus exigeants.

(Festival de Cannes 2022)


Traduit de l’allemand.

06.07.2022

4

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Commentaires

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Eric2017

il y a 2 ans

J'aime ce cinéma coréen... C'est généralement assez lent, mais si bien décrit que l'on a le temps de s'empreignes de l'ambiance, des personnages sans avoir recours a des artifices spectaculaires. Cette intrigue policière m'a fait pensé au célèbre Hitchcock. Tout est dans la finesse, le subtile et même si je me suis dit au départ que 2h20 de film en coréen ça sera long et bien non. J'ai été pris par l'histoire et les interprètes et je n'ai pas vu le temps passé. Un très bon thriller asiatique. (G-30.8.22)Voir plus


CineFiliK

il y a 2 ans

« Vertigo de l’amour »

Le cadavre d’un homme est retrouvé au pied d’un pic rocheux. Le commissaire Hae-Joon mène l’enquête et se rapproche de l’épouse du mort, belle et mystérieuse.

« Il y a moins de crimes en ce moment, c’est peut-être la saison qui veut ça… ». Pourtant, la dépouille retrouvée sème le doute : accident, suicide ou assassinat ? Crème pour les mains, veste sur mesure et gant métallisé pour défier les poignards aiguisés, le policier classieux demeure perplexe. A la morgue, il tombe immédiatement sous le charme de Seo-rae, venue identifier son mari couché juste à côté, sous un drap. Qui est cette Chinoise parlant un coréen gracieux ? Une femme trompée, battue ou une veuve noire ? Une femme fatale assurément.

Le scénario a priori classique se révèle au moyen d’une mise en scène virtuose. Primé au dernier Festival de Cannes, le travail du génial Park enchaîne les plans étonnants et vertigineux. L’escalade dos à dos d’une falaise, les courses-poursuites en montée, les massages entre collègues, une chasse à la tortue. On craint de s’égarer dans ce tourbillon d’images élégantes complexifiant l’intrigue et le ressenti, mais le réalisateur sait si bien nous rattraper. Son hommage à Hitchcock se joue aussi sur les regards. On observe l’autre depuis une fenêtre sur cour, une voiture avec des jumelles, à travers des miroirs sans tain, au moyen de caméras de surveillance ou d’un mouchard dans un téléphone. La vérité peut faire mal aux yeux, nécessitant quelques gouttes. Quant à l’amour, il rend aveugle. Voyeur, le spectateur se laisse entraîner dans ce jeu de séduction à l’instinct basique qui passe par l’odorat, le goût et se perd dans les traductions automatisées d’une application. Plus chaste que le « saphostiqué » Mademoiselle, mais tout aussi sensuel, tel ce baume à lèvres pour échanger un ultime baiser. Dans un romantisme exacerbé, il est temps de partir, de fuir ou d’abandonner en laissant la mer monter.

(7.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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