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L'amour du monde Suisse 2022 – 76min.

Critique du film

Le murmure de l'adolescence par Jenna Hasse

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

En sélection Generation Kplus cette année au Festival de Berlin, la cinéaste suisse-portugaise Jenna Hasse a dévoilé une œuvre tendre et contemplative.

Le temps d’un été sur les rives du Lac Léman, Margaux (Clarisse Moussa), 14 ans, est envoyée pour travailler dans un foyer. Elle y rencontre Juliette (Esin Demircan), 7 ans, une enfant particulièrement agitée, et un pêcheur, Joël (Marc Oosterhoff), qui vient de rentrer d’Indonésie. Bientôt, des liens unissent ce trio de fortune qui s’apprivoise au fil de l’eau. Et Margaux, doucement, s’éveille au monde, au cinéma, à l’amour.

Comme Jenna Hasse, sa protagoniste a grandi entre deux cultures, le Portugal du côté du père (Filipe Vargas) et de l’autre, les plaines helvétiques de la Nouvelle Vague et de l’écrivain Charles Ferdinand Ramuz. C’est d’ailleurs son roman éponyme publié en 1925 qui a inspiré la cinéaste pour «L'amour du monde». Suite de son court-métrage «En Août» (2004), sélectionné pour la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Jenna Hasse s’est offert cette année à Berlin une grande première au Zoo Palast et une foule d’applaudissements méritée.

Jenna Hasse fait preuve d’une élégante humilité pour capter l’éveil de la jeune Margaux - interprétée par une Clarisse Moussa tout en retenue - devant une caméra qui contemple ses personnages là où d'autres les auraient écoutés parler. C’est en effet dans son langage visuel, à l’orée du silence et bercé par le doux clapotis de l’eau, que «L'amour du monde» trouve une voix singulière. Autant d’espace libéré par la cinéaste pour donner à son personnage la permission de grandir.

Ainsi, sur les rives baignées de soleil du Lac Léman, et dans la barque de Joël, où elle s’assoupit parfois le soir, Margaux rêve à cette Indonésie lointaine. Un désir d’évasion propre à l’adolescence que la cinéaste cristallise en invoquant la jungle du peintre Henri Rousseau le temps d’une séquence onirique. Et au seuil du réalisme magique, voilà que cette envie nous submerge à notre tour, avant que la fable du héron en tomber de rideau nous ramène à la beauté du réel. Avant la projection, une personne nous avait souhaité un bon voyage, il est vrai que «L'amour du monde» nous a cueilli.

(Berlinale 2023)

13.03.2023

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 1 an

“Là où crient les hérons cendrés”

Margaux, presque quinze ans, s’ennuie sur les rives du Léman. En stage dans un foyer, elle se rapproche de Juliette, fillette esseulée et fugueuse. Leur rencontre avec le marin Joël élargira leur horizon.

L’heure d’été helvétique semble s’être arrêtée pour Margaux. Scolarité à refaire, expérience professionnelle imposée, et situation familiale compliquée. L’adolescente aux joues boudeuses rêve d’ailleurs. Le cinéma du coin n’est qu’une échappatoire illusoire. Comme le lac qui, si magnifique soit-il, n’est pas la mer. La cabane du pêcheur sera son refuge : la possibilité d’une île, la possibilité d’un « il ». Elle se verrait bien plonger avec ce ténébreux dans le Pacifique indonésien. Mais confrontée à la réalité, la blonde sirène retourne à l’eau. C’est dans le regard de Juliette, petite sœur de cœur, qu’elle pourrait grandir.

La Suisse a beau être paisible, son atmosphère mêle de la lourdeur à sa douceur. La saison est agréable, mais l’âge s’avère ingrat, désireux de se projeter dans un monde plus vaste que ce territoire étriqué. Jenna Hasse aborde les errances adolescentes avec sensibilité, poésie, contemplation et lenteur, inspirée par l’œuvre éponyme de Charles-Ferdinand Ramuz : « Comment est-ce qu’on faisait pour vivre ainsi, et pour se contenter de si peu ; comment est-ce qu’on pouvait vivre si petit, quand c’est tellement grand et il y a tant de choses ? ». Précédant ce premier film, le court-métrage En Août de la réalisatrice met en scène la même actrice – Clarisse Moussa – des années auparavant. Un passé qui donne de la profondeur à Margaux, son héroïne, marquée par la séparation de ses parents. Ainsi, Joël et Juliette, également orphelins, deviennent les éléments essentiels et fragiles d’une famille recomposée, laissant les hérons cendrés emporter au loin les âmes mortes.

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 1 an


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