Une femme indonésienne Indonésie 2022 – 103min.

Critique du film

Les fantômes du passé

Critique du film: Damien Brodard

La jeune réalisatrice indonésienne Kamila Andini présente déjà son quatrième long-métrage, récompensé de l’Ours d’argent du meilleur second rôle féminin au dernier Festival de Berlin.

L’Indonésie durant les années 1960. Après avoir été contrainte de fuir son village et perdu son époux, Nana (Happy Salma) trouve refuge chez un riche cultivateur (Arswendy Bening Swara) avec lequel elle se remarie. Des années plus tard, elle peine toujours à trouver sa place dans la haute bourgeoisie et reste hantée par les fantômes de son passé. La rencontre avec l’une des maîtresses de son mari (Laura Basuki) va toutefois lui permettre de se libérer.

Onirique, gracieux et plastiquement superbe : voilà ce qui vient à l’esprit lorsque défile le générique de Nana – Une Femme indonésienne. N’ayant pas caché ses influences – le cinéma de Wong Kar-wai étant la plus évidente – la jeune Kamila Andini est parvenue à digérer ses multiples inspirations pour livrer un film qui lui est propre. Elle nous gratifie en premier lieu d’une mise en scène majestueuse, mêlant d’oniriques confrontations aux fantômes du passé, des jeux avec les différents décors et miroirs pour thématiser l’enfermement social, ou encore quelques sursauts d’émotion suspendus dans le temps. Sa maîtrise plastique des images ainsi que la narration visuelle, bien que parfois assez appuyée, est l’une des forces majeures du long-métrage. Pour couronner ce festin visuel, la photographie aux tons pastel de Batara Goempar, presque estompée, participe à l’élaboration d’une atmosphère toute particulière, à la fois douce et inquiétante.

En effet, les belles images ne sont pas vides de sens et s’accordent avec le propos. Malgré l’apparente douceur et simplicité du quotidien de Nana, celle-ci tente constamment d’exister dans une société indonésienne où les femmes n’ont que peu de poids, en plus d’être tourmentée par de tristes visions d’antan. L’interprétation tout en retenue de la protagoniste principale par Happy Salma s’avère donc en totale adéquation avec le scénario et, de ce fait, très réussie. On regrettera toutefois que l’écriture et l’ambiance lancinante impliquent immanquablement une petite baisse de régime au niveau du rythme, mais rien de grave si l’on se laisse porter. Enfin, mention spéciale à la musique de Ricky Lionardi qui, grâce à ses thèmes marquants entre instruments traditionnels et murmures envoûtants, s’impose comme la cerise sur ce gâteau déjà très généreux. Kamila Andini confirme qu’elle est bel et bien une metteuse en scène à suivre !

27.12.2022

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 1 an

“La Javanaise”

Nana découvre que son mari, un riche cultivateur plus âgé, entretient une liaison avec une autre.

Il y a d’abord ce châle oublié qui n’est pas le sien. Ces morceaux de viande offerts sans raison et qu’elle ne peut avaler. Puis cette lettre qu’on lui tend avec gêne, car adressée à « Mon chéri ». Quant aux nuits, elles sont hantées par de violents souvenirs. Mais dans l’Indonésie patriarcale des années soixante, une femme se doit d’être aussi souple que de l’eau et s’adapter. Autant se rapprocher alors de sa rivale avec élégance.

L’invitation au voyage est tentante. Jungle luxuriante, domaine d’un autre temps, tenues et danses traditionnelles. Au loin, le pays se déchire entre poussée communiste et prise du pouvoir brutale par le président Soeharto. Dans la maison corsetée, il convient de faire bonne figure face aux piques malveillantes ou messes basses soufflées derrière le dos. On attache les enfants pour les faire taire et dissimule les secrets dans des chignons piqués, puis mis en boîte.

Ce cinéma rappelle celui d’Apichatpong Weerasethakul quand les fantômes du passé ou futurs se mêlent à la réalité. On pense aussi aux demoiselles de Park Chan-wook lorsque ces dames s’émancipent en s’unissant, mais l’érotisme exacerbé en moins. Cependant, c’est la référence Wong Kar-wai qui pèse le plus sur le film. Musique lancinante, robes cintrées et Asie de l’époque évoquent In the mood for love sans atteindre son envoûtement. Ici la Javanaise réunit ceux qui s’aiment, juste le temps d’une chanson.

(6/10)Voir plus

Dernière modification il y a 1 an


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