Nezouh France, Syrie, Royaume-Uni 2022 – 103min.
Critique du film
Syrie : réanimer l’espoir
Nezouh, troisième long-métrage de la réalisatrice syrienne Soudade Kaadan, est un parfait contrepied à son second, The Day I Lost My Shadow. À ce dernier, gris, sombre, désespéré, suit un film optimiste et lumineux. Un changement de ton réussi.
Zeina (Hala Zein) vit dans l’un des quartiers assiégés de la ville de Damas avec son père, Mutaz (Samer al Masri) et sa mère, Hala (Kinda Alloush). Fortement réfractaire à l’idée de s’enfuir du pays – il ne peut s’imaginer avoir le statut de « réfugié » – Mutaz force sa famille à rester habiter dans leur appartement, ce même lorsqu’il sera endommagé par des obus, perçant de grands trous dans les murs et plafonds : ces failles deviendront le moyen par lequel Zeina s’ouvrira au monde extérieur, tant physiquement que mentalement.
Le père, revenant d’une excursion pour trouver de la nourriture, frappe à la porte de l’appartement, crie pour qu’on vienne lui ouvrir. Absurdité complète : les murs étant en partie détruits, il pourrait tout à fait entrer sans passer par la porte. Drôle et bien exécutée, cette scène surligne également tout le conservatisme du père, sa tendance à respecter un ordre qui n’existe plus, mais qu’il désirerait voir exister encore.
Plus que de dire toute l’absurdité du conservatisme en temps de survie, un fort besoin de nouveauté, de sortie de cadres contraignants se fait ressentir dans Nezouh. Cette nécessité s’incarne, pour les personnages, dans le fait de ne plus être à la merci du père, de sortir de cet appartement, pour le film, dans celui de proposer des représentations nouvelles. Une volonté explicitée au sein du long-métrage : alors que le voisin de Zeina lui montre son dernier métrage, il affirme que l’on n’y voit personne mourir. La jeune femme s’interroge : « Un film en Syrie où personne ne meurt, ça existe ? ». Par cette question, Soudade Kaadan dicte le projet de son œuvre : se permettre ce film-là, ce nouveau type de représentation.
Bien qu’il ne montre pas la mort, la violence, le film ne cherche pas à faire comme si elle n’existait pas : elle est là, dans les discours anxieux, dans la ville détruite. Mais, ici, l’on veut se laisser regarder ailleurs, donner à son cerveau un peu de répit en se laissant penser à autre chose. Que le cinéma ne soit pas, lui non plus, colonisé, frigorifié, par les affres de la violence. Un ton optimiste qui évite l’idéalisme, le film a de quoi réjouir.
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