Petites France 2022 – 90min.

Critique du film

Grandir d’un coup

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Présenté au 75e Festival de Locarno, la cinéaste Julie Lerat-Gersant dévoile Petites, le récit d’une maternité pas comme les autres. Camille n’a que 16 ans.

Femme de théâtre et co-fondatrice de la compagnie La Piccola Familia, Julie Lerat-Gersant a présenté cette année son premier-long métrage à Locarno dans la sélection Concorso Cineasti del presente. Une catégorie exigeante et qui entend parler du présent, du réel. Ainsi Petites se fait le récit des vies et des maternités particulières qui cohabitent dans un centre maternel de Cherbourg. Un établissement brutal et permissif, rythmé par le pugilisme de ces mères et la tendresse à revers qu’elles se portent. Un microcosme orchestré par Romane Bohringer, matrone complexe et d’un feu calme.

«Y’a rien là-dedans, y’a pas de vie» lancera Pili Groyne comme un éclair à la juge. Au creux de ces neuf mois en suspens, de cette adolescence intarissable et de cette maternité qui lui imposerait d’être une autre, son personnage Camille se démène tant bien que mal. En roller, cigarettes au bec, elle est explosive, effrontée. Il lui faut faire sens, accepter, sinon prendre des décisions, le corps se transforme. Le réconfort d’une mère aurait pu aider, mais à l’orée d’une naissance, des schémas se répètent.

Porté par les compositions atmosphériques du musicien Superpoze, sa très bonne distribution et sa réalisation épurée, Petites aura des airs de clair obscurs. En rendant hommage à l’adversité de ces mères adolescentes, leur isolement (familial et psychologique) et leurs fragilités face à l’échéance, Julie Lerat-Gersant lève un voile de plomb sur l’absolutisme des maternités souveraines. La parole se libère et dans une lettre pour son enfant, Camille aura certainement tout résumé : «J’ai rêvé de grandir d’un coup».

(75e Locarno Film Festival)

22.08.2022

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