Saint Omer France 2022 – 122min.
Critique du film
Regards croisés
Jeune réalisatrice française connue pour ses documentaires, Alice Diop passe désormais du côté de la fiction avec son premier long-métrage « Saint Omer ». Récompensé à la Mostra de Venise, récemment présenté au GIFF (Geneva International Film Festival) où il remporte le Reflet d’or du meilleur long-métrage, il concourra en 2023 aux Oscars pour représenter la France.
Perdue dans les salles intimidantes d’un tribunal de province dans la ville de Saint-Omer, une romancière (Kayije Kagame) assiste à un procès pour infanticide. Au fur et à mesure que le jugement se déroule, l’écrivaine se découvre de plus en plus de points communs avec la meurtrière, entre sa propre future grossesse, sa relation trouble à sa mère et ses origines sénégalaises. Un regard frais qui explore avec brio le rapport à la maternité.
Alice Diop, en venant du documentaire, reprend dans sa première fiction un fait-divers datant de 2013 qui avait fait couler beaucoup d’encre. À six mains avec deux autres scénaristes (Amrita David et Marie Ndiaye), Diop purge de son film toute mise en scène criarde pour se concentrer à fond sur son propos : la maternité. Car c’est bien cela qui va réunir toutes les protagonistes de cette fiction : la mère infanticide, sa propre génitrice ou encore l’écrivaine. Et si le début du film pose le cadre de la vie de cette romancière, ce sont surtout de longs plans fixes narrant l’histoire de la criminelle, de la conception de l’enfant à la découverte de son cadavre échoué sur la plage, sur lesquels va s’attarder «Saint Omer».
La mère infanticide (Guslagie Malanda) va peu à peu se fondre dans le décor du tribunal. Raide, juchée sur l’estrade de son box d’accusée, le regard fixe, elle va à l’instar d’une statue braver la tempête qu’elle traverse : valse d’invectives, violence des propos, férocité des plaidoiries. Malgré cette image statique et l’étirement des plans, le procès qui apparait d’abord sous la lumière crue – presque chirurgicale – de la caméra de Diop, va peu à peu s’humaniser. Des regards croisés, la brume d’une larme, les soupirs, tout concourt à installer cette émotion qui va exploser avec la plaidoirie finale. Un film d’une rare intensité, qui a largement mérité son prix de la compétition longs-métrages à Genève.
(GIFF 2022)
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