À Chicago en 1956, il y avait un tailleur, un Anglais qui, à en croire ses dires, avait quitté la Grande-Bretagne en raison de l'invasion du bluejean. Un homme discret, pour ainsi dire secret, et qui jamais ne pose la moindre question à ses clients. Une routine faite de ciseaux, de craie, d’étoffes, de découpes et de patrons qu’il partage avec son assistante (Zoey Deutch) dans son bel atelier. Mais lorsque Ritchie (Dylan O'Brien) le fils de son premier client, pénètre un jour dans sa boutique avec une balle dans le ventre, le tailleur se retrouve malgré lui dans de sales draps, lesquels recouvrent les affaires de la mafia années 50.

Natif de Chicago, auteur de polars à succès et oscarisé en 2011 pour avoir écrit le scénario du désormais célèbre The Imitation Game, voilà que Graham Moore nous dévoile son premier film. Présenté hors compétion en avant-première au festival de Berlin, The Outfit se teinte du décorum de film noir qui fît le sel de ses romans, celui de la pègre et de ses chapeaux feutrés. Et comme toute bonne histoire qui se respecte, il lui faut un angle. Alors dans un genre où Phantom Thread se mêle aux décors chéris des fables «corneloniennes» de Francis Ford Copolla, l’élégant Mark Rylance incarne un tailleur de renom, lui qui un beau jour devra recoudre un homme de la mafia.

Deux familles se font la guerre et le spectre de l’«Outfit», une organisation régie par Al Capone, rode sur la ville. Bientôt son atelier devient l’âtre de règlements de comptes sanglants. Le cinéaste Graham Moore signe une réalisation d’une grande maîtrise, gracieusement mise en image par la caméra de Dick Pope et les partitions d’Alexandre Desplat pour faire danser l’intrigue. Une ode à une époque, aux films qui forgèrent sa légende. Quand les ciseaux de l’un rencontre les balles de l’autre, Graham Moore signe un film de gangsters savamment écrit, qui ne manque ni d’humour ni d’élégance.

(Berlinale 2022)