Lonely Italie, Suisse 2023 – 76min.
Critique du film
Faire place aux rêves
Après Pescatori di corpi et Il mio corpo, Michele Pennetta traite à nouveau de quotidiens précaires tout en réutilisant sa formule esthétique de prédilection, fin mélange entre documentaire et fiction.
Une petite ville entourée par les montagnes du Nord de l’Italie, plongée dans la lumière chaude et crue de la fin de l’automne. Tout juste majeur·e·s, Precious (Precious Adebayo) et Federico (Federico Peduzzi) sont de bon·ne·s ami·e·s. Ce dernier rêve de faire carrière dans la musique et compte sur Precious pour l’accompagner sur ce chemin : lui compose des instrumentations et rappe, elle chante. Dans ce paysage culturel à moitié mort tout comme dans les vies bien remplies de nos personnages, ce rêve peut-il se réaliser ?
L’aboutissement ou non de cette réussite artistique est bien la question de ce long-métrage qui nous tient en haleine narrativement: la ligne directrice à laquelle nous nous accrochons et désirons avoir une réponse. Mais ce nœud dramaturgique n’en est qu’un parmi tant d’autres. Car, dans ce court film qu’est Lonely (1h15) on s’intéresse à bien des facettes de nos personnages: leurs problèmes familiaux, de santé, leurs études, passions respectives pour le sport, leurs emplois, etc. Ces nœuds, bien qu’ils soient plus secondaires, occupent tout autant de temps d’écran que la question musicale.
Ainsi, ce que nous montre Michele Pennetta, ce sont les vies d’individus qui n’ont pas la chance de pouvoir faire primer leur passion sur toute autre chose dans leur quotidien. Autrement dit, il ancre le rêve dans le réel et montre qu’il ne peut être, ici, qu’une infime partie du monde. Car, dans ce monde, il s’agit d’abord de survivre. Alors dédier du temps à la création musicale est bien plus complexe.
Plutôt que le récit d’un aboutissement, on nous dit ici l’histoire de choses qui prennent fin avant d’avoir donné lieu à l’éclat final auquel on les destinait – on arrête le lancer du marteau avant d’avoir pu réellement faire de la compétition ; on arrête le lycée avant d’avoir eu son diplôme, etc. Le long-métrage se pose comme un constat passionnant de l’impossibilité de venir à bout, d’achever, causée par un mode de vie trop dispersé, véritable écartèlement.
Alors, l’expérience spectatorielle que nous propose le film a parfois le même goût que ce qu’il nous montre: celui, frustrant, de l’inachevé. On ne nous offre que très peu d’instants de climax qui pourraient nous donner ce sens d’aboutissement. Par exemple, une scène d’un concert étincelant magnifiant le travail auquel nous avons assisté, ou alors, un moment où les personnages se déchireraient suite à un conflit artistique. Le cinéma qui nous est dit est moins contrasté, plus complexe, c’est celui des temps faibles, de l’absence de réelle résolution. Il n'est pas guidé par le soucis de nous divertir et nous laisse avec plus de questions que de réponses: c’est sûrement là que son aspect documentaire, son fort ancrage dans le réel, transparaît le plus.
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement