Guardians of the Formula Macédonie, Monténégro, Serbie, Slovénie 2023 – 120min.

Critique du film

L’Oppenheimer dont on ignorait l’existence

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Christopher Nolan n’a qu’à bien se tenir ! À Locarno cette année, «Guardians of the Formula» a dévoilé un récit méconnu de l’histoire atomique : la rencontre fortuite entre le scientifique yougoslave Dragoslav Popović et le professeur français Georges Mathé.

En octobre 1958, au cœur d’une Yougoslavie en pleine guerre Froide, le professeur Dragoslav Popović (Radivoje Bukvic) et ses jeunes scientifiques communistes sont irradiés par une dose d’uranium colossale. Envoyés dans un hôpital parisien pour y être soignés, ils se retrouvent sous la coupe du professeur Georges Mathé (Alexis Manenti), un gaulliste. Le dessein de leurs travaux reste sous silence, or Mathé est convaincu qu’ils travaillaient au développement de la bombe atomique. Dissimulant ses motivations, le professeur entame alors une batterie de tests et d’opérations pour tenter de les sauver.

Quelques jours après la sortie du phénomène «Oppenheimer», la Piazza Grande de Locarno s’est offerte une fièvre atomique équivalente, et pour cause. Présenté comme le «Oppenheimer serbe» dans le bulletin du festival, le film du cinéaste Dragan Bjelogrlic raconte cet épisode méconnu de la fin des années 50 : l’histoire du professeur Popović qui, dans l’institut Vinča à Belgrade, développait en silence une arme atomique. Personnage bourru, tempérament autoritaire, ses expérimentations prendront fin après que la création de la sacro-sainte réaction en chaîne ne les expose à de trop fortes radiations. Son histoire inspira le livre «Vinča Case» du professeur Goran Milašinovićm que déploie aujourd’hui Bjelogrlic pour le cinéma.

Plus habitué aux expériences sur les souris, s’agissait-il de véritable philanthropie, d’une preuve d’humanisme ou d’une opportunité géniale d’expérimentation médicale? Ce sont bel et bien les motivations du professeur Georges Mathé - campé par un Alexis Manenti de marbre - qui tiennent en haleine les deux heures de «Guardians of the Formula» («Čuvari formule» en vo). Raconté sans lyrisme ni utopisme, et rappelant l’esthétique de la mini-série HBO «Chernobyl», le film progresse d’une force douce et filme au plus près la rémission parfois violente de ces jeunes scientifiques.

Encapsulé dans un contexte géopolitique en fusion, c’est «un acte unique de solidarité» selon les mots de Lionel Abelanski qui incarne le directeur effaré de cet hôpital. Sans le savoir, au cœur de la guerre froide et en soignant ces jeunes gens, le professeur Mathé venait de découvrir le traitement qui plus tard permettra de soigner la leucémie : la greffe de moelle osseuse. Une chose est certaine, «Guardians of the Formula» n’aura pas le même vertige que les faits racontés, mais le gouffre de son histoire vous laissera certainement flottant. Dragan Bjelogrlic signe une réalisation classique mais solide. Le duel entre Alexis Manenti et Radivoje Bukvic en point d’orgue !

(Locarno 2023)

11.08.2023

3.5

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