While the Green Grass Grows Canada, Suisse 2023 – 166min.
Critique du film
Laisser couler
Habitué des documentaires art et essai aux questions philosophiques, Petter Mettler réalise ici un projet ambitieux et intime.
Peter Mettler prend les derniers instants de vie de sa mère comme point de départ de son documentaire. Suite à son décès, il part à la rencontre de plusieurs lieux et personnes, à travers quelques pays. Retraçant plusieurs années de la vie du réalisateur, c’est sur le rapport que son père entretient au décès de sa compagne et autres questions métaphysiques que cette longue errance existentielle finira par se recentrer.
Derrière While the Green Grass Grows se lit un projet, celui pour Peter Mettler d’essayer de faire face aux questions trop grandes, comme celle de la mort, par le cinéma : le processus derrière son film, comme un outil pour donner un sens à la disparition d’être chers. Le résultat final est autant complexe, surprenant et déstabilisant que les questions auxquelles il s’attaque.
C’est le cas, notamment, car il résiste à une des plus fortes conventions du cinéma documentaire : celle de donner la place la plus importante à la voix et de laisser cette dernière explicitement dévoiler le discours du film, en n’utilisant les images que pour le confirmer visuellement et l’appuyer. Ici, le propos des moments de discussions où la voix prime est loin d’être explicite, tout en paraissant assez anecdotiques par rapport à d’autres instants du documentaire.
Car ce sont plutôt les longues et systématiques séquences d’expérimentation esthétique muettes qui sont le corps de ce film, la chaire de son discours. Si ces dernières ressemblent, dans un premier temps, à ce que Terrence Malick avait créé dans Tree of Life ou Voyage of Time – plans de nature magnifiée par de la musique – elles s’en séparent rapidement, s’essayant à l’animation, la 3D, le Vjing et toutes sortes de procédés esthétiques hétérogènes, mais cohérents. Des séquences atmosphériques très convaincantes, dont les textures imprègnent nos cerveaux.
Dans la forme complexe de ce documentaire, tout comme dans la manière qu’il a de résister aux mots, c’est une partie de la réponse aux questions trop grandes qui se lit : sortir des mots, laisser la complexité du monde couler devant nous sans que cela soit un problème, cesser d’essayer de tout comprendre, de tout rationaliser. Ne pas chercher à trouver de réponse, errer, et les laisser venir à nous : par le corps et par les sens, non par le cerveau.
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