Yo Mama France 2023 – 97min.
Critique du film
Pacifiques rimes, ou les mots des mères comme châtiments
Exercice de style rafraîchissant ou des mamans se mettent au rap pour reconquérir leurs progénitures, «Yo Mama» est une agréable surprise.
Biberonné au rap, à Tiktok, et porté par une envie de s’envoler au-delà leur quartier, trois jeunes enfants réalisent un clip de rap. Des paroles explicites, port d’armes, et autres torses bombés, du haut de leurs 11 ans, ils se prennent pour des caïds, et la vidéo fait le tour des réseaux. Dans l’impasse et prises devant le fait accompli, leurs mères (Claudia Tagbo, Zaho et Sophie-Marie Larrouy) décident de se mettre au rap pour rétablir la communication avec leurs enfants. Porté par un producteur ambitieux (Jean-Pascal Zadi), les trois amies rencontrent un succès retentissant avant d’être complètement dépassées par ce milieu.
Elle entrait au cinéma par la grande porte avec le puissant «Banlieusards» (sorti sur Netflix en 2019) aux côtés de Kery James pour qui elle avait réalisé de nombreux clips. Pour son second long-métrage, Leïla Sy donne vie au scénario d’Amadou Mariko (inspiré par des faits qui se sont déroulés à Sarcelles en 2015), cinéaste sur le tard et qui cosigne, à 33 ans, son premier film. Une rencontre initiée notamment par le trublion Jean-Pascal Zadi, producteur exécutif du film et philanthrope éclectique derrière notamment le succès de «Tout Simplement Noir». Un challenge de taille et une première expérience en tandem pour ces deux cinéastes : «je craignais de perdre ma légitimité, mais tout s’est bien passé.» confie Amadou Mariko, et Leïla Sy de poursuivre «Ce n’est jamais évident d’être deux aux commandes d’un même film, mais nous avons su trouver une méthode assez efficace, et respectueuse, pour travailler à quatre mains.»
Une collaboration sensible et attentionnée dont «Yo Mama» se fait aussi le miroir. Destins croisés de trois amies et mères éperdues face à la violence du clip de leurs enfants; Claudia Tagbo, Zaho (pour la première fois à l’écran) et Sophie-Marie Larrouy prennent le micro par les cornes et débordent de rimes et d’amour pour leurs progénitures. Préférant «Bad Boys de Marseille», époque chérie du rap phocéen, aux vociférations grivoises dont regorgent les rêves de leurs enfants, elles se lancent en amatrices éclairées et cartonnent à la barbe de leur quartier. Dans cette enfance si poreuse et malléable, fallait-il planter quelques rimes pour remettre les esprits au clair. Une histoire de mères face à leurs enfants, de femmes face à leurs conditions et d’épouses face à leurs conjoints; sous ses airs de comédie légère, et à l’heure de l’actuelle flambée des banlieues, «Yo Mama» désamorce avec tendresse et humour une actualité souvent complexe.
Si personne n’y brille et aussi programmatique soit le scénario, une authenticité se dégage et permet de naviguer avec aisance parmi les méandres de ces conflits générationnels et des rapports filiaux. Enfin, n’oublions pas qu’au cœur des années 90, depuis peut-être le bouleversant «Dear Mama» de Tupac, ou le classique «Mama lova» de Kheops et Oxmo Puccino, l’histoire du rap (sans doute plus que n’importe quel autre genre musical) recèle de ces hymnes chantés aux mères du globe. Alors à sa manière, porté par une verve un peu naïve et scellé dans un happy end inévitable, mais dispensable, «Yo Mama» salue et prolonge ce touchant héritage.
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