Comme le feu Canada, France 2024 – 155min.
Critique du film
Le Québec dans un drame doucement addictif
Pour la première fois à Berlin, le Québécois Philippe Lesage présente son nouveau film «Comme le feu» dans la catégorie Génération, une œuvre graduellement envoûtante.
Le jeune Jeff (Noah Parker) est invité par son meilleur ami Max (Antoine Marchand-Gagnon) et sa famille à passer la semaine dans la maison de campagne du célèbre réalisateur Blake Cadieux (Arieh Worthalter). Rancœur, jalousie, amourette : une fois sur place, l’adolescent, d’abord observateur, se retrouve rapidement emporté par la déferlante des émotions.
Un trajet en voiture : c’est par cette simple scène que Philippe Lesage ouvre son nouveau long métrage «Comme le feu». Autour du véhicule, la caméra flotte, se glisse dans l’habitacle, introduit les personnages. Un instant en apparence banal qui s’étire au rythme de la musique planante et ensorcelante de Cédric Dind-Lavoie. Dès les premières secondes, Philippe Lesage tisse une atmosphère visuellement et acoustiquement hypnotisante. De son expérience du cinéma documentaire, le réalisateur garde le goût de l’observation. Doucement, l’objectif glisse et, sous l’œil du directeur de la photographie Balthazar Lab, embrasse la nature et les superbes paysages nord-américains.
Arrivé à destination, nous découvrons les personnages : un groupe d’ami.es issu du monde du cinéma. Réalisation, scénario, distribution, tous les corps de métier sont présents. L’ambiance se fait méta. Rapidement, les sympathiques protagonistes se révèlent défaillants et les nombreuses rancœurs sont prêtes à exploser. Par de longs plans, le cinéaste scrute les échanges et capture la complexité de ces relations.
Présent sur les écrans en 2023 avec «Rien à Perdre» et «Le Procès Goldman», Arieh Worthalter propose un jeu composite, tantôt jovial, tantôt odieux. Paul Ahmarani, dans la peau du scénariste Albert, retrouve Philippe Lesage pour une performance passionnée. De leurs côtés, Noah Parker s’épanouit dans le rôle de Jeff, alors que l’actrice helvético-française Irène Jacob respire le naturel, pour le plaisir de ses admirateurs. Enfin, si la jeune Aurélia Arandi-Longpré offre une admirable composition pour son interprétation d’Alochia, son personnage ne semble malheureusement n’exister qu’au travers des regards masculins.
Au gré des discussions, le récit se dévoile et se transforme en une étude de caractères. En plein air ou autour d’un repas, des saynètes quasiment théâtralisées s’accumulent. Par deux fois, elles sont entrecoupées de playbacks musicaux impromptus, mais terriblement divertissants. De-ci, de-là, un drame rocambolesque éclot, donnant à l’œuvre un arrière-goût kitsch, et sûrement involontaire, de saga de l’été sérielle particulièrement addictive. Et si, tout le long de ses deux heures vingt, «Comme le feu», ne sait pas toujours sur quel pied danser, le public ne peut s’empêcher d’en savourer chaque seconde.
(Berlinale 2024)
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