Les Fantômes Belgique, France, Allemagne 2024 – 105min.

Critique du film

Thriller sensoriel sur les traces d’un criminel de guerre

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Dévoilé lors de la semaine de la critique à Cannes, le réalisateur Jonathan Millet offre un récit d’espionnage haletant dans lequel un opposant au régime de Bachar Al-Assad traque celui qu’il pense être son ancien bourreau.

Ancien professeur de littérature et opposant au régime Syrien, Hamid (Adam Bessa) a été envoyé dans la prison de Saidnaya aux environs de Damas. Aujourd’hui réfugié à Strasbourg, il fait partie d’une cellule secrète de citoyens syriens, la «cellule Yaqaza» qui s'occupe de débusquer d’anciens membres du régime en fuite. Hamid pense être sur la trace de ce son tortionnaire. Et son intuition le pousse aux portes d’une filature à haut risque dans les allées de l’université de Strasbourg. Obnubilé par cette chasse et pressé de se réapproprier une vie qu’on lui a volé, Hamid ne ferait-i pas fausse route?

Ancien étudiant en philosophie, cinéaste-voyageur et documentariste, Jonathan Millet réalise en 2012 «Ceuta, douce prison». Il y explore les conditions désastreuses de l’accueil des migrants qui débarquent en Espagne. Aujourd’hui, il signe à 39 ans un brillant premier long-métrage aux formes de film d’espionnage. Soucieux d’étudier les traumas de guerre, Jonathan Millet rencontre pendant une année de nombreux réfugiés syriens en France et en Allemagne, c’est là qu’il entend parler pour la première fois parler de ces opposants au régime, qui avec une infinie prudence, traquent des criminels de guerre sous couverture en Europe.

Cruelle ironie du réel, ces cellules d’investigations (qui communiquent anonymement dans des forums de jeux vidéo de guerre) pourchassent des criminels dont ils n'ont jamais vu le visage. Le bourreau ne souhaitant pas voir le visage de ses victimes, c'est donc un sac sur la tête qu’Hamid subit la torture. Aussi, «Les Fantômes» devient une énigme sensorielle au travers de laquelle Hamid (formidablement interprété par Adam Bessa) épie, à l’université de Strasbourg, cet étudiant en chimie dont il pense reconnaitre l’odeur, les pas...

Thriller à l’épreuve des sens et de la mémoire, Jonathan Millet signe une réalisation d’une précision clinique, à l’orée du documentaire, pour capter l’indicible et l’invisible. «Les Fantômes» illustre aussi le sort de la communauté syrienne en exil, leurs conditions de vies, leur deuil et la méfiance inhérente à la répression imposée par le régime. Avec son titre à la double interprétation poétique, «Les Fantômes» fait écho à cet ancien membre de l’EI qui se faisait appeler «le chimiste», débusqué en 2019 par cette fameuse «cellule Yaqaza» à Kassel en Allemagne. À la fois instructif autant qu’un excellent objet de cinéma, «Les Fantômes» fait partie de ses œuvres bien trop rares dans les salles.

09.07.2024

5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 3 mois

“Le jeune homme et la mort”

Syrie, 2014. Hamid et d’autres prisonniers sont laissés pour morts dans le désert par les sbires de Bachar el-Assad. Deux ans plus tard, le jeune homme est à Strasbourg arpentant les foyers pour réfugiés à la recherche d’un homme. Un cousin, un ami de la famille ou son bourreau ?

Qui est-il ? Sous son air renfrogné, le regard fermé, impénétrable, Hamid suscite le trouble. Faut-il le craindre ou le plaindre ? Petit à petit, l’on comprend que celui qui était professeur de littérature en temps de paix appartient aujourd’hui à une organisation secrète syrienne qui traque les criminels de guerre ayant fui le pays pour se réfugier en Europe. Le dos marqué par les coups, l’esprit hanté par ses chers disparus, il n’est qu’une ombre sans lumière, un fantôme. Lorsqu’il pense avoir retrouvé celui qu’il cherchait en la personne d’un étudiant en chimie sa conviction le conforte. Mais s’il se trompait ?

Les éléments du roman d’espionnage sont bien présents : fausses identités, rendez-vous furtifs dans le parc abandonnant un paquet sous un banc, filatures discrètes et jeu vidéo utilisé comme canal de communication. Mais comment reconnaître avec certitude le tortionnaire qui vous battait sans ménagement après vous avoir encagoulé ? Par sa démarche, ses gestes, son odeur, sa voix…. Dans ce premier film maîtrisé, le travail sur le son est remarquable. Les échanges téléphoniques, les témoignages de rescapés, les chuchotements glanés derrière une porte… L’ouïe devient le sens premier, la musique participant également à la tension ambiante. Il n’y aura pas d’action cependant, si ce n’est un coup de couteau dans l’eau. Ce thriller basé sur des faits réels se définit avant tout comme psychologique. Au cœur du mensonge, à bout de nerfs, Hamid réclame enfin quelque chose de vrai. Un nom, un prénom. Dans le rôle, Adam Bessa se révèle tel un Tahar Rahim mutique. De quoi lui prophétiser une belle carrière.

(7/10)
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TOSCANE

il y a 4 mois

Hamid, extraordinaire et magnétique Adam Bessa, torturé pendant quelques années dans les prisons militaires du régime syrien, rescapé, exilé, ayant perdu femme et enfant, fait partie d’une organisation secrète qui traque les tortionnaires, et les criminels. Pendant la scène du déjeuner, je suis convaincue que le tortionnaire est bien cet homme glouton et vorace. La quête de Hamid est sensorielle, instinctive. Et c’est bouleversant.Voir plus


Eric2017

il y a 4 mois

Ce film est classé comme thriller d'espionnage, certes. mais il n'a rien à voir avec ce que l'on s'imagine habituellement pour ce type de film. Adapté d'un fait réel la tension monte petit à petit jusqu'à la scène du déjeuner. C'est très bien réalisé et c'est passionnant car ça dévoile un côté de l'espionnage inconnu. (G-10.07.24)Voir plus


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