Sunset France, Hongrie 2018 – 122min.
Critique du film
Palpitations spectrales
Son nom a résonné avec son film, primé à Cannes et oscarisé, Le Fils de Saul. László Nemes est dorénavant un cinéaste qui compte et attendu au tournant. Son second long-métrage prend racine en 1913, au cœur de l’Empire austro-hongrois.
Le regard grave. Les yeux reflétant une prochaine agonie. Derrière la toilette soignée d’Irisz, une jeune femme à la recherche d’un passé difficile à éclairer, Sunset est comme son titre l’indique : un coucher de soleil où la pénombre devient incertaine, où le danger ne cesse de grandir. Budapest est au bord de la rupture, le chaos commence à s’étendre. Le spectre d’un frère débarque et Irisz arbore son costume d’enquêtrice. Coûte que coûte, elle visite les quartiers sombres, s’aventure dans l’ombre. Elle, si lumineuse au début, perd de son éclat plus elle s’enfonce dans une quête au milieu de la barbarie humaine. Courir après un fantôme, traverser les chuchotements de la foule, détourner le regard quand les autres vous fixent. Irisz est seule, mais loin d’être désemparée.
Comme une extension de son premier film, Le Fils de Saul, Sunset traite également d’une quête infinie, personnelle et humaine. Un éloge funèbre, sonnant un peu creux, aux enjeux nébuleux. Magnifiquement maîtrisé techniquement, une esthétique à couper le souffle, un travail admirable sur le son, Sunset pêche dans son but, sa résonance est moindre comparée à l’excellent Fils de Saul. Le chaos en surface, la cohérence aux abonnés absents. Un voyage sensoriel, une réalité fragmentée, où le trouble se promène dans une ville de Budapest cacophonique, opérant comme l’oeil de Moscou. Dans son costume de femme perdue et teigneuse, Julie Jakab manque d’incarnation, déboussolée au milieu du tumulte. Elle y exhume une douleur viscérale, un temps, avant de la voir s’estomper. Sunset manque d’un scénario, d’une écriture pour épouser le magnifique emballage.
En bref !
Laszlo Nemes cite Kafka pour ce film, qu’il n’est parti de rien de spécifique. Même si sur le papier l’histoire semblait habile, sublime, Nemes oublie la rigueur narrative, délaissée, alors qu’on ressent une légère urgence kubrickienne par instants. Une narration éclatée au milieu des violences, alors qu’on avance sans véritablement décoder où le cinéaste hongrois souhaite en venir. Comme une sensation de voir différents personnages survolés le récit comme… des fantômes. Rien ne semble réel, nous laissant extérieur à cette quête fraternelle.
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Commentaires
“La tête dans le carton à chapeaux”
En 1913, l’orpheline Irisz revient à Budapest dans la fastueuse chapellerie Leiter ayant appartenu autrefois à ses parents. La jeune modiste y demande un travail que le nouveau propriétaire lui refuse. Loin de renoncer, elle apprend par la suite l’existence d’un parent dont elle ignorait tout.
Après le fils de Saul, le frère d’Irisz. Soit la quête impossible d’un être auquel on se raccroche sans véritablement savoir s’il a été. L’illusion d’un monde qui se délite peu à peu sous nos yeux. Collée aux basques de l’héroïne, la caméra nous entraîne dans le crépuscule de l’Empire austro-hongrois. Une Europe centrale aux portes de la révolte et de la guerre. Sous l’infinie beauté des chapeaux se dissimule toute l’horreur humaine et le chaos.
L’air renfrogné, plus que déterminée, Irisz est une Alice qui s’engouffre dans un labyrinthe des passions disposé à lui voler son âme. Rêve, fantasme ou cauchemar éveillé ? Le flou ambiant, signature du réalisateur, surligne le caractère onirique de l’ensemble, quitte à asphyxier tout élan émotionnel. De ce long dédale, on ressort avec plus de questions que de réponses. Talent toujours aussi ambitieux, László Nemes s’égare et perd en chemin son spectateur.
5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
La graine et le chapeau
1913, Budapest: Iris Leiter, descendante d’une famille de modélistes célèbres dont les parents furent assassinés lors d’un incendie alors qu’elle n’avait que 2 ans, revient de Trieste et découvre l’existence d’un frère soupçonné de fomenter un attentat contre le nouveau propriétaire de l’entreprise, Oszcar Brill. Désireuse de le retrouver, la venue annoncée de l’Impératrice Sissi pourrait provoquer un chaos.
Le voici donc le retour de Nemes, qui avec le fils de Saul et son incursion « holocaustique », nous avait offert de participer à une expérience auditive rare. Ce changement de conflit nous promettait une plongée dans ses racines. Il en ressort un peu trop d’éclaboussures.
La première heure et demie est irréprochable : sous forme d’une enquête pour découvrir son passé, la caméra suit Iris comme son ombre et nous captive. La description de l’univers de chapelier est prenante et la cause féminine ici objet de désirs et moqueries très bien illustrée.
C’est alors qu’un changement s’opère dans la manière de filmer, sitôt le véritable rôle du frère connu. Et très curieusement, un flou visuel entourant notre sœur en quête de vérité finit à la longue par nous flouer l’esprit. L’on perd quelque peu le fil, en particulier autour du rôle étrange joué par une Comtesse, et l’issue plus qu’étrange d’Iris, illustrant une sorte de vengeance, ne colle pas vraiment avec son envie initiale de percer dans le métier pour suivre les traces de ses parents.
L’impression finale est celle d’une magnifique plantation visuelle (des plans ensoleillés durant la première heure) et artistique initiale manquant au final de la petite graine permettant une belle prospection.
Se laisse néanmoins voir en ne vous tenant pas trop près de l’écran...… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
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