La Fracture France 2021 – 98min.

Critique du film

Fracture sociale et physique

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Catherine Corsini réalise un film immersif, dans un hôpital, le temps d’une nuit chaotique. Présenté en compétition à Cannes, La Fracture dépeint les traumas de la société française.

Raffaella (Valeria Bruni Tedeschi) et Julie (Marina Foïs), forment un couple au bord de la rupture et se retrouvent aux urgences après une vilaine chute de Raf. Ce même hôpital est dans la tourmente, au bord de l’implosion le soir d’une manifestation des Gilets Jaunes. Les deux femmes rencontrent Yann (Pio Marmaï), un manifestant blessé, remonté comme un coucou. Dehors, c’est l’anarchie, l’établissement doit fermer ses portes. La nuit des angoisses; c’est l’Enfer, lui, qui ouvre ses portes…

En ouverture, une première scène évoque cette colère prête à éclater : Raffaella insulte par messages sa chère et tendre, couchée… à côté d’elle. Une pluie de SMS pour décrire la mauvaise ambiance qui règne dans le couple. Raf est éperdument amoureuse de Julie, mais cette dernière souhaite prendre le large. Une course (à pied) à travers Paris envoie Raf chez le toubib. Un bras cassé et voilà que la première fracture se greffe à une autre bien plus grave, bien plus globale : une manifestation tendue entre les forces de l’ordre et ses protagonistes. Arrive Yann - un bon Pio Marmaï -, un routier à la carcasse trouée par des tirs des forces de l’ordre.

L’intime se greffe à la politique, le physique au psychique. La totale ! La cinéaste Catherine Corsini évoque les peines de cœurs, amoureuses et sociales. Ici tout est fracturé et les existences s’en retrouvent éparpillées. La Fracture est un film d’immersion, à couteaux tirés, où les individus sont à bout. La folie s’empare de l’hôpital, la nuit s’embourbe dans un chaos qui parait insurmontable. Et le métrage, orchestré d’une manière « pilote automatique » où les événements semblent s’enchainer dans une forme de spontanéité imparable, plaît par son urgence et cette confrontation incessante qui anime ses personnages. Un film qui transpire la lutte sociale, où les bourgeois entendent les complaintes d’un homme de la classe populaire éreinté par le système. Yann en appelle à Macron, pour simplement discuter et non pour en découdre. Pas d’accès de violence, mais simplement une discussion pour faire bouger les choses. Corsini, dans un rythme enfiévré, fait sauter les barrières avec sa hargne et son savoir-faire.

Mais peut-on déplorer un récit à charge, sinon une vision manichéenne de la situation où la police est érigée en grande méchante - rattrapée de manière bien artificielle par la cinéaste dans une scène un peu facile ? Empiétant parfois sur les qualités évidentes du métrage, le parti-pris de La Fracture pourra déranger. Or, Catherine Corsini fait montre d’une joyeuse démence, avec un humour burlesque incarné par Bruni Tedeschi ou les regards interloqués de Marina Foïs. Les deux actrices sont assez délirantes. Un contrepoint intéressant à la nervosité de cet hôpital cerné par les clivages politiques, avalé par les tourments sentimentaux et le ras-le-bol.

25.10.2021

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 2 ans

“État d’urgences”

Julie souhaite rompre avec Raf qui peine à l’accepter. En lui courant après, celle-ci tombe, se blesse et se retrouve aux urgences. Alors qu’au dehors, la police charge les gilets jaunes en colère.

« Ferme ta gueule ! » s’entend dire Rafaëlle au milieu de la nuit alors qu’elle insulte par WhatsApp son amie qui est de l’autre côté du lit. Première scène de ménage. Dans ce duo comique au féminin, Marina Foïs, voix de la raison, incarne le clown blanc face à une Valeria Bruni Tedeschi revêtant le costume coloré d’un Auguste survolté. Il faut dire que la frénétique qui se retrouve avec un genou à la place du coude tente de retrouver ses esprits en avalant du Subutex. De quoi apporter un vent de burlesque bienvenu dans un monde qui ne l’est pas : hôpitaux d’un autre âge et sans moyens, soignants exténués en grève, patients impatients. La rue se lève face à la violence de l’État. Un couple et une société au bord de la rupture.

La manifeste de Catherine Corsini est clair et fonctionne bien sur le papier. Son constat est amer et sa démonstration gagne en réalisme et douceur en faisant jouer à une infirmière – Aissatou Diallo Sagna – son propre rôle. Avait-elle alors besoin de charger la barque et de surligner la dramaturgie ? A force, son film perd en originalité et prend les allures d’un épisode moins réussi d’Urgences.

(6.5/10)

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