The Third Murder Japon 2017 – 124min.

Critique du film

The Third Murder

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Blasé et cynique, Shigemori (Masaharu Fukuyama) est l’avocat commis d’office chargé de défendre Misumi (Kōji Yakusho), un récidiviste suspecté d’avoir assassiné son ex-employeur. Il vient déjà de purger une peine de 30 ans et les chances d’une issue favorable au procès sont minces d’autant plus qu’il plaide coupable. Mais au fil de l’enquête, les masques tombent et Shigemori commence à douter de la culpabilité de son client.

Hirokazu Koreeda, cinéaste cathartique des écueils familiaux (Tel père, tel fils, prix du jury à Cannes en 2013), travaille cette fois un nouveau registre, celui du film noir pour sonder la nature humaine et le système judiciaire japonais. Un film d’une beauté voluptueuse, rugueuse, capée d’un cuir de polar; une noirceur peut-être inégale, mais une répulsivité ancestrale : Justice, vérité; je t’aime, moi non plus!

Cela devait être une affaire classée, une sinécure pour la justice. Pourquoi remettre en cause la culpabilité de celui qui risque sciemment la peine de mort? Récidiviste et menteur, l’homme n’est pourtant pas un fou. Pour cette affaire, Hirokazu Kore-eda affiche une esthétique teintée du noir des polars américains: La périphérie désaffectée d’une scène de crime dans Le Dahlia Noir, le tandem judiciaire d’un Seven, les persiennes d’Assurance Pour La Mort, jusqu’aux scènes d'interrogatoire, sublimes, métaphysiques et fantomatiques, façon Clarice et Lecter (Le Silence des agneaux) en moins névralgiques. En somme, voilà un thriller patchwork où miroitent les plaisirs cinéphiles et ce, jusque dans un plan final, à la croisée des mondes.

Une beauté éclatante mais l'opacité vacille. 30 ans auparavant, Shigemori échappait au pilori grâce à la clémence d’un juge qui n’était autre que le père de Misumi. Lorsque les deux (ré)ouvrent les dossiers, le suspens plonge ailleurs. Il y a une tendresse, une drôlerie, une légèreté, une thérapie “père-fils” d’inspiration sitcoms. Mais ces rares moments amusants et curieux, traversant le polar comme un filet d'air frais, laisseront le sentiment d'un suspens étrangement câblé. Pourtant Koreeda nous envoûte du flou de l’enquête et viendront ensuite les confidences de la veuve à sa fille pour enfin suffoquer, repenser au crucifix tracé à la place du corps et voir apparaître, en filigrane, l’idée d’une justice anonyme…

Le réalisateur ouvre une large fresque sur la véritable justice et ses garants, et donne avec les partitions de Ludovico Einaudi une authenticité au film noir. Dans un interrogatoire final, les visages se confondent et l’ambivalence des responsabilités est insondable. Masaharu Fukuyama et Kōji Yakusho se révèlent hypnotiques. Un labyrinthe judiciaire, quelques rares fluctuations dans l’intrigue mais Hirokazu Koreeda compose un drame puissant, où se nouent avec maestria l’absurde judiciaire et les milles circonvolutions de l’être.

03.04.2024

4

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Commentaires

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trochat

il y a 6 ans

Très bon thriller plein d’intelligence dans le portrait des personnages. De plus, une superbe illustration de deux grands thèmes constamment présents dans la société japonaise : d’une part sens de l’honneur et du devoir individuel, « à la samouraï », même chez ceux qui n’ont pas eu de chance dans la vie, d’autre part opposition flagrante entre le soucis du bon fonctionnement social et la recherche de la vérité.Voir plus


Casper73

il y a 6 ans

Tel juge tel est jugé
Le réalisateur Hirokazu Koreeda recourt à une mise en scène subtile et allégorique pour nous interroger sur la justice et notre fragmentaire compréhension des fractures de l'être humain.
Un meurtre. Un mobile. Un coupable récidiviste. La peine de mort se profile. Trois avocats aux sensibilités et parcours différents vont tenter d'éviter la faux à leur client peu coopératif. A travers leurs recherches, on quête la vérité, on essaie de rester à la barre après la tempête des allégations et des esquives. On tente de stabiliser l'image d'un monde flottant. Est-ce que le coupable s'est fait le juge et bourreau d'un humain indigne de la vie ? En le jugeant sommes-nous plus dignes ? Rouages judiciaires, rouerie humaine et le supplice de notre arrogance.Voir plus


CineFiliK

il y a 6 ans

“Le jeu de la vérité”

Un homme en assomme un autre, asperge son cadavre d’essence et le brûle. Récidiviste au lourd passé, Misumi avoue le crime. Mais son principal avocat doute et reprend l’enquête pour éviter à son client, la peine de mort.

Le Japonais Koreeda a su séduire par ses chroniques familiales, bouleversantes de sensibilité. En s’attaquant au thriller, il désamorce les codes du genre en imposant sa touche et ses batailles : des parents absents ou trop présents qui aiment mal leurs enfants ; une délicatesse qui retient la violence la plus brute en hors-champ ; et ce suspens construit uniquement sur la parole. De quoi surprendre, déstabiliser et plaire.

Témoignages, plaidoiries et scènes essentielles de parloir dictent le film et en limitent l’action. L’accusé, ses défendeurs, la procureure et les juges nous entraînent dans un jeu de manipulations. Qui croire ? L’image peut mentir autant que les discours. Au centre de ce labyrinthe trouble, le spectateur doit choisir un chemin au bout duquel il espère trouver sa vérité.

7/10Voir plus

Dernière modification il y a 6 ans


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