Canción sin nombre Pérou, Espagne, Suisse, Etats-Unis 2019 – 97min.
Critique du film
Le vol impuni
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2019, Cancion sin nombre est le premier long-métrage de Melina Leon. La Péruvienne signe une fresque sociale qui égratigne un pays privant de liberté ses concitoyens.
Au Pérou, dans les années 80, Georgina (Pamela Mendoza) entend à la radio une annonce qui prendrait en charge les soins médicaux pour les femmes enceintes. Une fois l’accouchement passé, elle demande à récupérer son bébé. En vain. La clinique qui l’a accueillie ne rouvrira jamais ses portes. Désespérée, Georgina décide d’entrer dans une rédaction pour conter son histoire. Dans l’espoir de retrouver sa fille, un journaliste se penche sur le sujet et mène l’enquête.
Baigné dans une esthétique soignée, en noir et blanc rendant le récit très austère et encore plus prenant, Cancion sin nombre repose sur une affaire de trafic d’enfants, sur laquelle le père de la cinéaste a lui-même enquêté. Des quartiers pauvres à la frénésie de Lima, le film se faufile au milieu de la misère humaine, prolongeant la fracture sociale qui ne cesse de s’agrandir plus le récit défile. Parfois un brin trop appuyée, quand Leon braque sa caméra de longues secondes sur le visage déconfit de Pamela Mendoza, la composition reste de bonne facture, surtout ces plans majestueux sur ces pentes de sables où vit Georgina et son mari.
Le tragique au service du poétique, balayant un destin détruit par la malhonnêteté des classes bourgeoises. Profiter de femmes pauvres, enceintes, pour accentuer le trait et démontrer la bassesse humaine. On pourrait reprocher un récit parfois statique, un côté interminable quand la caméra reste focalisée sur la lourdeur du sort de Georgina. Mais l’impuissance de la jeune femme laisse transparaitre la violence du propos: un combat perdu d’avance. Un vrai chemin de traverse qui se termine sur une impasse mortifère.
Le gros souci réside sur le petit écart qui empiète sur la vie privée du journaliste, devenu une cible de choix de par son homosexualité refoulée. Un empilement de couches dramatiques qui peut pousser au soupir, mais force est de constater que Melina Leon réussit, malgré ses petits égarements, à constituer une dramaturgie qui nous plonge dans une enquête démêlant l’injustice qui planait (plane?) sur un pays empêtré dans ses luttes sociales. Derrière une économie proche de s’écrouler dans les années 80, les nantis ont profité des moins nantis; c’est en ça que Cancion sin nombre, à l’aide d’une belle sobriété, réussit à jumeler poésie et corruption.
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