God Exists, Her Name is Petrunya Belgique, Croatie, France, Macédonie, Slovénie 2019 – 100min.

Critique du film

La femme vainc à tous les niveaux

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

Présenté à la Berlinale en février dernier, le film de la réalisatrice macédonienne Teona Strugar Mitevska brosse un portrait tout en nuances et une critique intransigeante de la société patriarcale et de la domination masculine. Sur fond de célébration religieuse et au nom de la loi divine et civile, le métrage raconte la lutte d’une femme pour être traitée d’égale à égal ; l’espoir et le besoin d’une société plus juste.

Dans la campagne macédonienne, Petrunya est une trentenaire un peu paumée, au chômage et vivant encore chez ses parents. Une mère un brin intrusive, un père un peu passif, Petrunya n’a pas de grandes ambitions après avoir subi échec sur échec. Diplômée en Histoire, elle se rend à un entretien d’embauche dégoté par sa mère. Sur place, une usine textile, la jeune femme est vite remise face à une réalité immonde grâce au directeur : elle n’est pas très jolie, plutôt bien en chair et n’a aucune expérience. En bref, circulez, il n’y a rien à voir. Dégoûtée par ce qu’elle entend, elle sort de son entrevue et se retrouve spectatrice d’une cérémonie religieuse durant laquelle une croix est jetée dans la rivière. Le premier à l’attraper sera béni de bonheur le reste de sa vie. Sans réfléchir, Petrunya se lance dans l’eau gelée et parvient à s’emparer de la fameuse croix avant tous les autres. Le problème ? Cette célébration est réservée aux hommes. Le parcours du combattant débute alors pour la jeune femme durant lequel elle va devoir s’armer de courage et de détermination, elle contre tous.

God Exists, Her Name Is Petrunya est une fable d’une société archaïque, la nôtre. Sous couvert de religion, prétexte à un mal qui s’étend à bien d’autres strates de la société, si ce n’est toutes, la femme reste une sous-catégorie. Critique d’un monde fait par et pour les hommes, exerçant un pouvoir abusif sur la gent féminine et gangréné par l’ignorance, la bêtise et des principes d’un autre âge ; le métrage joue subtilement des coudes en affichant les contradictions de chacun, de l’Église d’abord, mais surtout des Hommes.

Interprétée par Zorica Nusheva qui réalise une performance de toute beauté, seule la courageuse Petrunya reste digne, droite dans ses convictions et cohérente face à la stupidité masculine. Non pas parce qu’elle veut prouver qu’elle a été plus forte ou plus rapide que la meute d’hommes présente ce jour-là, mais parce qu’elle a un besoin viscéral de se rattacher à quelque chose, sa seule lueur d’espoir dans une vie bien morne. Agrippée à cette croix qu’elle refuse de lâcher, allongée nue sur son lit, le plan christique insuffle à la jeune femme une dimension quasi divine. Pour elle, la croix n’est pas un trophée, elle symbolise l’espoir, l’espoir en la justice et l’égalité des droits et des chances, l’espoir de pouvoir être qui elle est et personne d’autre.

En bref !

Alors que la libération de la parole des femmes n’a jamais été autant marquée que ces derniers mois, God Exists, Her Name Is Petrunya s’affiche comme un pied de nez à une société patriarcale reposant sur des contradictions béantes. Une immersion brutale par moments dans un monde d’hommes où la femme vainc à tous les niveaux, envers et contre tous. Intense !

15.05.2019

3.5

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